Canaries #2 : et au milieu coule une forêt

//15 – 18 novembre 2018//

Les Canaries en haute saison c’est pas donné donné. Alors, pour éviter de dépenser le PIB du Luxembourg en deux semaines on a décidé de modifier notre façon de consommer pour ces trois prochains jours à La Gomera. Exit la location de voiture, les restos de poissons et petits hôtels de charme, place aux trajets en bus, aux pâtes thon-tomate maison et aux lits jumeaux en appart-hôtels !

Après une heure de bateau nous accostons à San Sebastian. Il faut poser pied à terre sur cette île toute en pente, où la notion de plat ne semble pas exister, pour mieux comprendre le caractère préservé et encaissé du lieu. Ici le réseau routier se dessine en étoile, il n’y a pas de route côtière, uniquement des accès par le haut plateau boisé du Garajonay pour rejoindre les différentes vallées appelées ici barrancos. On fait tout d’abord étape à Vallehermoso. Si on traduit de l’espagnol on peut réaliser que les gars du coin se sont pas fait chier niveau nom : « elle est pas mal notre vallée hein José ? Si on l’appelait la jolie vallée ? » (fin de délibération du conseil municipal). Vallehermoso donc, nous offre des paysages pas vus à Tenerife et qui rappellent le Maroc avec ses palmiers à gogo, sa végétation verte éparse et ses collines de roches désertiques.

Nos jambes réclament de l’exercice : ça sera une bonne grosse rando, activité principale du coin. On commence tranquillement en descendant jusqu’en bas du barranco où se trouve une petite plage de galets (dont quelques-uns repartiront dans le sac de Charlotte !) avant d’entamer les choses sérieuses par une montée très raide qui nous amène 300 mètres plus haut. Les nuages ne rendent pas le panorama inoubliable, mais on apprécie l’effort physique ainsi que le sentier bien tracé qui longe désormais les crêtes. Les rares percées du soleil nous donnent du baume au cœur pour entamer la longue descente qui semble ne plus jamais finir (ciel nos genoux). Charlotte est au bout de sa vie, Rémi fait le mec serein mais a les jambes très lourdes et après quasiment 4h de marche, on retrouve enfin notre point de départ. C’est dans ces moments-là que tu savoures comme jamais la douche bien chaude qui t’attend ! Nous passons une partie du reste de la journée à planifier les autres car les bus de la Gomera c’est toute une histoire, avec des fréquences d’un bus toutes les 3 heures, autant dire qu’il vaut mieux pas le louper.

Pour notre deuxième jour nous partons à la découverte du parc national du Garajonay qui abrite des forêts d’avant le petit âge glaciaire (celui où toutes les forêts européennes sont mourues de froid). Le lieu est magnifique, des arbres enchevêtrés recouverts de mousse, des champignons partout et surtout une atmosphère à la Brocéliande dans laquelle on s’attendrait à voir une cérémonie druidesque à tout moment. Le silence de la nature est magnifique, seuls les « woaw c’est trop beau » de Charlotte viennent s’immiscer dans cette ambiance singulière. Quand on sort de la forêt enchantée c’est pour aller se caler à l’arrêt de bus qui nous emmènera à Valle Gran Rey (Rémi est devenu expert en horaires de « guaguas », le nom donné aux bus canariens). Quand on dit arrêt de bus en fait c’est un panneau dans un virage devant une maison. Maison d’une vieille dame aux cheveux longs qui viendra nous voir pour nous donner à manger : « tenez, en sortant de ma douche je me suis rappelée que j’ai plein de pommes qui viennent de ma ferme là juste en face, prenez-les elles sont 100% naturelles ». Après un fantastique sandwich fromage-tomate-œuf les pommes de Mémé Garajonay sont tombées à pic, gracias Señora !

La route qui descend dans le barranco de Valle Gran Rey est impressionnante, zigzagant par de grands lacets aux vues plongeantes : Rémi côté fenêtre est en folie, Charlotte côté couloir dort déjà depuis un moment. Nous nous arrêtons tout en bas dans ce qu’on pourrait appeler un village de vacances pour vieux allemands. Toute la classe retraitée du pays de Merkel vient couler des jours tranquilles dans les Canaries. Du passé post soixante-huitard « tous nus tous bronzés » subsiste la playa del Inglès (ils n’ont pas compris que c’était des allemands) qui est encore aujourd’hui… naturiste. Ce qu’on ne savait pas avant d’y arriver avec nos sweats, pantalons et chaussures fermées. Et bienvenue au festival de la moule libre ! Un peu comme dans ce rêve où on est à poil à la piscine alors que tout le monde est en maillot, mais l’inverse, avec la sensation de s’être trompés de soirée « ah ici c’était raies publiques ?». En vrai on s’est dit pourquoi pas se dessaper et se jeter à l’eau, et puis tout simplement on a posé nos sacs, enlevé nos pulls et… on a eu froid. Du coup on a remis nos vestes et on est partis se réchauffer en longeant le bord de mer au pas de course pour pouvoir prendre le seul bus de l’après-midi qui allait vers Guada, notre lieu de repos pour la soirée. C’est rural, c’est calme et c’est beau.

On prend enfin le temps de se poser sur cette « île de paradis où les humains sifflent aussi ». Cette phrase provient de la chanson de Féloche intitulée « El Silbo », on vous invite à l’écouter pour continuer la lecture en cliquant ici. Le Silbo késako ? C’est une langue sifflée, désormais inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité. Tombée peu à peu en désuétude au siècle dernier elle est à nouveau enseignée aux écoliers de La Gomera depuis 1999. Constituée de 4000 mots elle servait à l’origine pour se « parler » d’un bout à l’autre des collines de l’île sur des sujets simples et servit à la résistance lors de la dictature franquiste. En parlant de siffler c’est l’heure de l’apéro au moment du coucher de soleil, parfait pour aller à une bodega au milieu de nulle part et d’y boire un verre de vin, puis deux, puis trois… C’est l’occasion de discuter de ce premier voyage post-Amérique du Sud et de partager plusieurs réflexions sur notre façon de bouger (elles feront l’objet d’un futur article #suspense !).

Le réveil à 7h30 (horaire de bus oblige) fait mal, surtout à Rémi qui après la délicieuse journée de la veille semble attaquer une journée sans. En plus, dehors le temps tourne carrément au déluge : on est dans le bus et plus on se rapproche de l’endroit d’où on voulait commencer notre rando, plus le brouillard et la pluie semblent redoubler de force. Charlotte prend les devants : « euh et si on zappait la rando pour aujourd’hui ? » Rémi n’attendait que ça pour être définitivement convaincu : « oui je crois que c’est une bonne idée ». Et nous voilà en train de dire au chauffeur de bus que finalement on va jusqu’au terminus… Il est 10h du matin, nous sommes de retour à San Sebastian d’où nous reprendrons le ferry le lendemain et il n’y a pas grand-chose à faire si ce n’est pour Rémi de se laisser envahir par la maladie qui le clouera au lit pendant quasiment toute la journée. La seule sortie sera sanctionnée d’une pluie soudaine qui nous fait bien comprendre qu’aujourd’hui, c’était une journée molle et puis c’est tout !

Voilà comment se termine ce séjour de trois jours sur La Gomera, dont l’impression restera mitigée un peu à cause du temps (saleté de pluie !) mais dont nous garderons en tête la forêt enchantée de Garajonay et le très agréable barranco de Valle Gran Rey. Prochaine étape canarienne : Lanzarote.

 

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