Bolivie #3 : un havre de Paz !

// 27 mars 2018 – 09 avril 2018 //

On ne va pas vous le cacher, on avait un poil d’appréhension avant d’aller à La Paz, d’autant que tous les Boliviens que nous avons rencontrés en chemin nous ont toujours dit de faire très attention à nous car « à La Paz il y a plein de voleurs ». En fait à La Paz, il y a surtout plein de couleurs et de chaleur ! Comme dit Charlotte « si on inventait un aspirateur à pollution on pourrait vivre ici ». Oui, autant le dire dès le début, nous aimons beaucoup cette ville ! Certes elle est très polluée et il s’avère parfois difficile de respirer tant les gaz d’échappement vous sautent aux narines mais elle est vibrante, vivante, chaotique, colorée, vallonnée et plein d’autres adjectifs qui font qu’elle nous plaît !

Bon, par où commencer, il y a tellement de choses à dire à propos de ces deux semaines dans la deuxième capitale du pays. En fait voilà, il y aurait trop de choses à raconter alors cette fois on ne va pas faire journée par journée mais selon comme viennent nos pensées. Et celles-ci vont vers le ciel, et plus précisément vers les téléphériques qui survolent la ville. On a pris toutes les lignes (oui, toutes, la rouge, la bleue, la verte, la jaune, la blanche et même l’orange !) et adoré à chaque fois cette sensation « vue d’en haut ». Charlotte les a d’ailleurs rebaptisés « les télé-féériques » (oui, on devient culcul lorsqu’on aime !). Bon, sauf une fois où justement l’œuf s’est arrêté en plein milieu de sa course, là c’est plus flippant que le métro qui s’éteint ! #etoiledesneiges. Toujours pour rester en hauteur, nous avons parcouru plusieurs heures le marché d’El Alto, ville de plus de 100 000 habitants la plus haute du monde (4150 mètres d’altitude !). Là encore tout le monde nous avait recommandé la plus grande prudence, du coup, la première fois qu’on y est allés on était un peu stressés (oui parce que quand tu te balades avec l’appareil photo + le passeport + la carte bleue + ce que tu viens de retirer tu as l’impression d’être un lingot d’or ambulant et que tu vas attirer les potentiels voleurs). Sur ce marché qui a lieu les jeudis et dimanche on trouve absolument de tout : fruits, légumes, viandes, poissons, œufs, épices, glaces (bref tout ce qui se mange !), vêtements, objets de décoration, jouets, tissus, accessoires de voitures, vieilles chaînes de vélo, et même, fœtus de lamas. Alors, parlons fœtus de lamas, on en retrouve également dans le marché aux sorcières de la Paz, sorte de bric à brac ésotérique où se côtoient toutes sortes de plantes aux diverses vertus et autres objets plus ou moins obscurs à nos yeux. Selon la croyance animiste largement répandue les fœtus de lama servent comme offrande pour s’attirer la bienveillance des esprits lors de la construction d’une maison. Why not, chacun son truc !

Toujours à El Alto, et toujours rayon sciences parallèles, à l’entrée du gigantesque marché s’alignent des cahutes peintes en bleu. Elles hébergent les chamanes et sorciers prédisant l’avenir dans les feuilles de coca ou conjurant le mauvais sort. Malheureusement pour Charlotte (et heureusement pour Rémi !) les étrangers y sont assez mal vus. On se contentera donc d’humer de loin les essences d’encens qui embaument l’air. En s’éloignant du centre-ville d’El Alto dans un minibus plein à craquer, on a pu voir deux types de constructions remarquables : les cholets (bâtiments futuristes figures de proue de la nouvelle architecture andine où se loge la bourgeoisie Aymara, dont est issu le Président Evo Morales), et un complexe d’habitats dont chaque barre d’immeuble a été peinte par l’artiste bolivien Mamani Mamani avec des couleurs pour le moins flashy ! Pas loin du téléphérique menant de La Paz à El Alto il y a un gymnase, c’est là que se produisent le spectacle des « Cholitas » : femmes en longues tresses jupe plissée traditionnelle (et hommes déguisés) qui luttent pour de faux à la manière du catch américain.  Visiblement l’origine des cholitas remonte à une revendication féministe des femmes boliviennes. Aujourd’hui c’est un show bi-hebdomadaire, de qualité variable (comprendre que celui auquel on a assisté n’était pas fou-fou, voire ridicule pour certaines prestations), où se pressent une majorité de touristes ainsi que quelques familles boliviennes assez enthousiastes. Une mamie devant nous a passé 2h à s’époumoner contre le pseudo arbitre, car dans ce catch made in Bolivia le gentil est d’abord maltraité par ses adversaires, eux-mêmes hués par le public, avant de gagner la partie !

Les gentils d’un côté donc, et les méchants de l’autre. À la Paz il en va de même, les riches au Sud et les pauvres au centre et sur les hauteurs. Aux pauvres les marchés, aux riches les super-marchés. Aux pauvres le teint foncé, aux riches la peau pâle. Aux pauvres les femmes en habits traditionnels, aux riches les femmes en jeans talons. Aux pauvres les déjeuners complets soupe-plat à 10 bolivianos, aux riches les cappuccinos à 20. Aux pauvres les boutiques de souvenirs, aux riches les spas pour animaux. Aux pauvres les rues étroites, bondées et sinueuses, aux riches les grandes avenues. Aux pauvres les cireurs de chaussures qui se couvrent le visage façon ninja pour éviter l’opprobre sociale, aux riches les magasins de chaussures flambants neufs. La Paz, ville de contrastes. Et, on le disait plus haut, ville de couleurs. Les graffs sont moins omniprésents qu’à Valparaiso mais se retrouvent dans des endroits plus incongrus tel que le cimetière municipal, orné d’une vingtaine de fresques !

2018 marque pour La Paz l’année de la culture, transition pour parler des musées que l’on a visités. Tout d’abord le musée du folklore où sont exposés de superbes masques des différents carnavals des régions du pays. Et, le musée de la Coca. Musée assez vieillot dans sa forme mais super intéressant d’où l’on ressort en ayant l’impression de tout connaître sur la coca, de sa découverte à son exploitation pour la production de cocaïne, en passant par ses usages sociaux, son poids politique, la guerre déclenchée par l’ONU, et le mode d’emploi pour bien la mastiquer. Nous passerons d’ailleurs pas mal de temps à discuter politique avec le monsieur de l’accueil du musée, qui, comme Julio à Potosi, ou Cécilia à Cochabamba, ne porte pas vraiment Evo Morales dans son cœur. Profitons-en pour vous faire un aparté politique sur ce monsieur : premier président indigène à être élu en Bolivie après plusieurs gouvernements de gringos ou de militaires, Evo Morales a suscité pas mal d’espoirs et mis en place plusieurs réformes en faveur des classes populaires. Las, power is power. Après deux mandats Evo a organisé un référendum pour demander à la population la possibilité de changer la constitution afin d’en bringuer un troisième. Le résultat du référendum fut un NON. Aujourd’hui Evo prépare sa campagne pour un quatrième mandat (voilà, si vous avez suivi en gros il a dit « fuck » et s’est représenté, a été réélu avec soupçons de fraude et se représente à nouveau pour 2019). À noter que les boliviens sont obligés de voter, sous peine de sanctions. D’autres scandales colleraient aux fesses d’Evo, en vrac des abus d’influence, une autoroute au milieu d’un territoire indigène, et même du narcotrafic (à vérifier tout cela). On comprend mieux la banderole déroulée au stade (oui on s’est fait un match, on le raconte plus bas !), et enlevée rapido par la police, qui disait « Evo te vas, ya nos mas », c’est-à-dire « Evo va-t’en, ça suffit ». Bref, on recommande donc le musée de la coca, où un petit bar vous attend au premier étage pour déguster du Vin Mariani, breuvage inventé par un corse en 1863 puis interdit en 1910 pour cause de 6mg de cocaïne, et des bières à la coca !

Pendant notre séjour « pacéño » nous avons logé dans trois hôtels différents : le premier insignifiant à côté de la gare, le deuxième dans le centre (très économique donc, avec une chambre digne d’Alcatraz mais avec une propriétaire fort sympa) et le troisième dans le quartier plus propret de Sopocachi où l’on en a profité pour se reposer après le trek de trois jours dans le massif du Condoriri pour lequel nous ferons un article bientôt. Oui, on est tout de même un peu sortis de La Paz ! D’abord l’excursion vers les temples de Tiwanaku dont la porte du soleil se retrouve dans « Tintin et le temple su soleil ». La civilisation Timanaku précéda celle des Incas et connut son apogée du VIIIeme au XIIeme siècle. Cet empire théocratique aymara s’étendait au-delà du lac Titicaca et englobait une partie du Pérou. Ses habitants savaient traiter les métaux et détenaient de solides connaissances en mathématiques, astronomie et agronomie. Il paraît que c’est même à eux à qui on doit les chemins précolombiens autour de La Paz et non pas aux Incas. Tout cela est fort intéressant mais au final il ne reste pas grand-chose, et la visite nous laisse sur notre faim. Un peu comme la « Vallée de La lune », site géologique soit disant immanquable qui ne l’est pas tant que ça !

Alors, revenons à La Paz ! Cette ville c’est aussi la plaza Murillo, envahie par les pigeons et sur laquelle se dresse le Parlement dont les aiguilles de l’horloge tournent à l’envers (acte symbolique d’Evo Morales dans le but de renier les pratiques du Nord imposées au Sud) ; la prison San Pedro où des visites clandestines sont organisées (« tiens, si je visitais les Baumettes aujourd’hui ? ») ; la rue des souvenirs où Charlotte a fait une razzia (y en aura pour tout le monde !), les dizaines de marchés alimentaires et aux fleurs dont chaque stand est tenu par une cholita, ces fameuses boliviennes avec leurs larges jupes plissées ; les délicieux jus de fruits dans la rue ; les centaines de minibus qui klaxonnent pour se faire une place dans la circulation infernale ; la poste centrale qui est toujours en dérangement ; les pains au chocolat et baguettes du resto français « Chez Moustache » ; les retrouvailles avec Benjamin et Jean-Baptiste, les copains français rencontrés au Salar d’Uyuni et que nous recroisons volontairement depuis ; les dédales de rues en pente ; la super rencontre avec Anne et son pote artiste-tatoueur népalais et la sortie graff qui aurait pu avoir lieu ( !) ; les cinémas où on n’a pas trouvé de films qui nous disaient ; la laverie où Rémi a cru perdre sa paire de chaussettes en Mérinos ; l’alliance française pour potasser le reste du séjour ; le café féministe « Virgen de las rosas » tenu par le collectif des « Mujeres creando » servant aussi de lieu d’accueil pour les femmes victimes de violence, génialement décoré et furieusement anti-patriarcal ; le match de foot dominical avec le derby de la ville dans une ambiance toute familiale… La Paz c’est tout ça et bien plus encore. Vite, que l’aspirateur à pollution entre en fonctionnement !

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