Bouge de là en France, non mais Allos quoi !

Depuis le retour d’Amérique du Sud, excepté deux semaines aux Canaries en novembre 2018 puis quelques week-end à droite à gauche chez les potes, on a moins bougé de là. Dernièrement nos plus grands voyages résidaient dans les allers retours à Leroy Merlin Aubagne pour équiper notre cuisine. Non pas que le trajet soit inintéressant [#depressionpostvoyage] mais on a ressenti l’envie et le besoin de prendre l’air ailleurs. Du coup Rémi ayant relevé le défi de découvrir le voyage au long cours qui était à la base une envie de Charlotte, désormais c’est cette dernière qui prend part au voyage en mode local à travers l’usage de la randonnée (toute la négociation va désormais résider dans le calcul scientifique du ratio combien d’années de randonnées pour égaler 8 mois de voyage ?).

Nous partons donc sur les chemins, non pas à bicyclette, quoique ça aurait été peut-être plus facile. Car oui qui dit voyage rando dit voyage écolo ! Le défi ? Faire Marseille – Allos en transports en commun (pour situer, car pas tout le monde connaît, Allos est une petite commune des Alpes du Sud, au sud de Barcelonette, dans le Parc du Mercantour). Il est donc 6h du mat quand on se réveille pour aller prendre le bus à la gare. On y va à pied, histoire de tester nos chaussures de marche et surtout nos gros sacs à dos remplis pour l’autonomie. On est comme deux randonneurs dans la ville. Au bout de vingt minutes ça tire déjà sur les épaules. Mince, un petit doute s’installe. 

Le trajet commence par 3h de bus pour rejoindre Digne-les-bains. Puis on enchaine sur un train censé nous rapprocher d’Allos. Sauf qu’après un passage à l’office du tourisme (#alancienne), on nous annonce qu’un éboulement a eu lieu sur la voie et que donc, le train est remplacé sur une portion par un bus. Ca fera donc bus + train. Arrivés au lieu dit Thorame Haute (superbe ancienne gare réhabilitée), on doit enchaîner avec une navette pour rejoindre Allos.

Il est midi, la navette minibus est là avec son chauffeur :
« Bonjour Monsieur on aimerait aller à Allos c’est bien votre navette qu’il faut prendre ?
– Bonjour, oui oui c’est bien ça.
– Ok, beh du coup on va prendre 2 tickets, c’est combien ?
[à ce moment le questionnement de tout ça nous paraît une formalité, cette navette ne devrait pas excéder 4€]
– C’est 8€.
– Waw, 8€ à deux ? Ou… [les fameux points de suspension dans la voix quand on sait qu’en fait il y a une sale probabilité que ce soit même autre chose]
– Ah non, c’est 16€ à deux ! »

On monte quand même et on fait les comptes. Bilan de ce trajet de 200 kilomètres à l’intérieur même de la région PACA : 6h pour relier le point A du point B, pour 84€ dépensés. C’est à ce moment-là qu’on aurait dû se jurer de ne pas regarder sur Mappy ce que ça aurait donné si on avait pris la voiture : 3h de route pour 25€ de dépenses. Blaaaaaah ! Ecologie 0 – pollution et envie de polluer la prochaine fois 1.

Le pire, c’est que dans la navette, on tombe sur Jean-Michel le chauffeur intrusif. Ok, on se doute que le gars ne doit pas voir grand monde (la navette est vide hormis nous deux et une autre personne) donc il a envie de parler, de beaucoup parler, et de décrire tout ce qu’il se passe dans son minibus. À un moment donné, Charlotte ouvre un tupperware où se trouvent 2 morceaux de tarte à la courgette histoire de se caler un peu la faim. Elle croque le premier morceau, tranquille, posey quand…
« Hé ça sent bon ce que vous mangez c’est quoi ?
– Heu, une tarte aux courgettes et carottes.
– Beh dis donc bon appétit hein.
– Heu oui merci.
– Vous avez de la chance c’est bon les tartes aux courgettes !
– Mmmm »

Autant dire qu’à partir de ce moment-là on n’a plus osé rien faire parce qu’on s’est dit que le gars était tellement au taquet de ce qu’il se passait dans son minibus qu’il serait capable de nous interpeller si on se curait le nez. Quand on arrive ENFIN à Allos il embraye une dernière fois :
« Et donc vous allez randonner dans les environs c’est ça, vers le lac d’Allos ?
– Oui c’est ça.
– Faut faire gaffe aux loups yen a pas mal.
– Heu, mais les loups ont plutôt peur de l’homme non ? se hasarde Charlotte
– Beh plus tellement. Et puis surtout quand on randonne faut faire attention à tous les animaux, et aux vautours aussi. Vous avez pas entendu parler de l’histoire de la femme et de sa fille ? C’était il y 2-3 ans, une randonneuse était partie avec sa fille. Elle chute et se fait une fracture ouverte. Le temps que sa fille aille chercher les secours et qu’elle revienne la mère avait été dévorée par les vautours. Beh oui les vautours ils rôdent au-dessus et ils sont attirés par l’odeur du sang faut faire gaffe. Allez bonne journée !  »

On le quitte en se disant que ce gars est soit shooté à Détective magazine spécial montagne soit c’est lui le serial killer du Mercantour qui dévore ses victimes et fait porter le chapeau aux vautours.*

Il est 14h, l’ascension peut débuter. On a le choix entre faire du stop pour atteindre le parking situé à une demi-heure du lac ou tout faire à pied. Vu qu’on part en mode autonomie nos sacs doivent bien peser 15-20 kilos chacun, Rémi porte la tente, Charlotte les duvets et la casserole en inox (idée cadeau Noël : du matériel de camping ultra léger) du coup on opte pour… se défoncer les épaules, les hanches et les pieds. 4h de montée c’est long. 4h de montée avec des sacs c’est très long. 4h de montée avec des sacs trop lourds sans aucun entraînement physique c’est la plaie ! Comme le dit si bien Charlotte, « ce n’est pas une mise de route (Rémi l’avait présenté comme ça), c’est une mise à mort ! » Heureusement quand on arrive la vue est à couper le souffle (ça tombe bien de toute façon on n’en a plus). Et surtout, on est récompensé de nos efforts en trouvant le spot rêvé pour bivouaquer. Imaginez un peu, en retrait du chemin, une petite surface totalement plane, entourée d’arbres et donnant sur le lac (pour ceux que ça intéresse, Rémi peut vous indiquer où se trouve exactement ce lieu magique).

 
On monte la tente, on sort nos affaires et on se prépare pour aller manger plus bas au bord du lac. Le moment est parfait : notre soupe de légumes tiédit sur le réchaud, le soleil décline avec une belle lumière rasante, on se sent bien. Le moment est tellement parfait que Rémi veut l’immortaliser. Il se lève appareil photo en main et là, la casserole de soupe se renverse. COMME PAR HASARD. « Mais c’est pas moi qui ai fait ça quand même ? J’ai pas du tout touché la casserole ! » Devant tant de détermination l’inspectrice Ricco se contentera d’établir le lien quasi magique entre la chute des trois quarts du contenu de la soupe par terre et le moment où Rémi s’est levé, survenu au millionième de seconde près. Sans preuve effective l’enquête reste ouverte en attendant de passer au tribunal de la mauvaise foi. Et c’est donc comme ça qu’on se retrouve à éponger avec du pain la soupe étalée sur les pierres du lac (#rationnement).
 
La nuit sous la tente fut plus reposante pour certain que pour certaine mais c’est plein d’entrain que nous attaquons notre 2eme jour. On prend la décision de laisser les sacs au refuge du lac d’Allos où on dormira ce soir, histoire d’être sûrs d’être au sec (la pluie est annoncée) et de ne pas devoir se contenter d’un tiers de soupe ! La suite de la journée c’est 3h de marche en mode léger (et ça change tout !). Rémi joue au jeu de « repère en premier la marmotte » et gagne à chaque fois, Charlotte se demande s’il n’a pas un radar à marmottes sur lui. En revanche, Rémi manque un groupe de chamois perché en amont. C’est l’un des gardes du Parc, croisé en chemin, qui nous le montre avec ses jumelles supersoniques. Alors, quand un peu plus tard, on tombe presque nez à nez avec un autre chamois isolé, on est tout content. Rémi s’empressera en rentrant de le raconter au garde du Parc qui le corrigera : ce n’était pas un chamois, mais une étagne, la femelle du bouquetin (#revisetafaune). 
 
Alors que le ciel était devenu de plus en plus menaçant et que le tonnerre commençait à résonner de plus en plus fort, on a accéléré le pas pour retourner au refuge. Rémi ne l’avait pas dit à Charlotte, mais il avait révisé les techniques de survie en cas d’orage en pleine montagne (rester accroupis, éloigner son sac et prier pour que ça passe). Finalement, l’orage n’a fait que tourner autour de nous et la pluie n’est jamais tombée, si ce n’est quelques gouttes. On a pu ainsi faire le classique « tour du lac » avant de se retrouver à 19h pétantes pour le repas du soir au refuge. Soupe succulente, tajine très bon et génépi excellent ! En plus, on a droit ensuite à un spectacle organisé par les membres de l’équipe du refuge qui font une surprise au gardien pour son anniversaire de 10 ans de vie au refuge. Même le berger s’est ramené pour jouer de la guitare. Inutile de dire que Rémi a désormais envie de vivre 6 mois en refuge et 6 mois en ville !
C’est l’heure d’aller dormir et en refuge les boules quies c’est important. Ceci est un message du ministère anti-homicides. Pourtant on n’était pas beaucoup dans ce dortoir, mais il suffit d’une cloison nasale pour vous faire devenir champion-ne de claquement de doigts et de sifflements. Clairement les nuits en montagne ce n’est pas encore ça pour Charlotte l’urbaine !
 
Pour ce 3e jour, on décide de se séparer la journée en deux : le matin rando et l’après-midi défi de rentrer en stop jusqu’au chalet des parents de Rémi qui se trouve à Montclar, 70 kilomètres plus loin. Avant ça, on profite de l’un de ces matins magiques en montagne, celui où le calme de la nature vous berce et où les premières lueurs du soleil viennent vous réchauffer le visage sereinement. Le sentier nous monte tranquillement jusqu’au col de l’Encombrette où on en profite pour… capter du réseau (#lecôtégeekrevientvite). On fait un aller-retour au sommet de la petite Tour où une longue séance photo s’impose devant la beauté du panorama, sous le regard de deux bouquetins qui glandouillent sur un rocher au soleil. Charlotte apprécie moins le sentier plus raide, ce qui permet à Rémi de statuer sur son profil de randonneuse : Charlotte est une randonneuse de col, pas de sommet. Elle est donc prête pour le GR5 !
Sur le chemin du retour, on s’amuse à jouer aux apprentis bergers quand nous sommes traversés par un troupeau de moutons (ouf, les patous ne sont pas là). Le paysage reste superbe, avec des couleurs dorées presque dignes de l’automne qui contrastent avec le bleu éclatant du lac d’Allos. Rémi aurait presque une petite larme qui coule au moment de quitter ce monde merveilleux, à moins que ce ne soit le fait de devoir à nouveau porter nos gros sacs à dos…
 
Là commence la première étape de notre périple, en stop. Nous nous plaçons à la sortie du parking, or, à 13h, il y a autant de monde que dans un hammam en pleine canicule. Normal, les gens sont tous en train de pique-niquer autour du lac, vu qu’il sont venus exprès pour ça. On arrive quand même à faire pitié à un couple d’octogénaires qui nous avance de quelques kilomètres, puis à un Marseillais en villégiature dans le coin. En deux voitures, nous voilà de retour à Allos. Le plus dur commence, car il faut trouver quelqu’un pour passer le col d’Allos et redescendre sur Barcelonnette. On est à quelque pas du rond point principal et personne ne s’arrête. Derrière nous une voix :
 » Vous allez où comme ça ?
– À Barcelonette.
– Je suis de Barcelonette.
– C’est vrai ?
– Si ça vous dérange pas d’attendre que j’ai fini mon sandwich je vous emmène avec moi »

Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé dans le camion du boulanger de Barcelonette, qui était tellement fatigué de sa journée commencée à 2h du mat’ qu’il nous a demandait si ça nous dérangeait pas qu’il boive sa bière pour se tenir éveillé. Ah beh non trop pas, on n’a jamais tenté le stop suicide c’est l’occasion. « En plus vu que la route est étroite vous pourrez m’aider à surveiller le précipice ». Banco ! Au final on aura passé une heure de route en sa compagnie à papoter de randos, de voyage, de la légende urbaine de la femme dévorée par les vautours et des loups du Mercantour. Une jolie rencontre qui nous permet d’atteindre notre objectif de mi-parcours. Il nous reste encore une trentaine de kilomètres. Heureusement grâce à l’étudiante fan de stop, le passionné de photos macros de plantes et la vacancière qui loue un chalet à Monclar on arrive à bon port trois voitures plus tard.Comme il y a quasiment un an, on débarque par surprise chez les parents de Rémi qui sont sur la terrasse. Cette fois ils sont moins étonnés de nous voir arriver avec nos gros sacs que l’année dernière. On les aurait habitués à les surprendre. La surprise reste-t-elle surprenante lorsqu’elle est habituelle ? Vous avez 4h, pile le temps d’une rando au lac d’Allos 🙂

 
 

* : on a vérifié une fois accès à internet l’histoire de la randonneuse mangée par les vautours, elle est évidemment fausse, ou plutôt fantasmée, car il y a bien eu un cas dans les Pyrénées en 2016, mais la randonneuse était déjà bien décédée avant d’être grignotée par les vautours. Ah les légendes urbaines montagnardes !

 

2 commentaires

  1. Toujours autant humoristique votre texte si image et si vivant!on s y croirait!!
    Merci de me faire partager ces petits instants de vie..J es pere qu’ il y en aura plein d autres
    Les photos sont belles
    Gros bisous à vous deux

  2. On avait presque eu le direct mais c’est bien sympa de vous lire …. Cela fait encore plus épopée !! Que de souvenirs ce lac d’Allos et les sommets environnants, envie d’y revenir et de remonter au sommet du Pelat !!

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