Pérou #4 : Refugio Tikabamba, le champ des possibles

// 03 – 11 mai 2018 //

Après le Machu (oui on est intimes désormais) on est revenus à Cusco pour se reposer. Le voyage c’est fatiguant et puis on avoue que désormais, on aime prendre le temps de journées « molles » comme on les appelle où l’on ne fait pas grand-chose. Elles sont d’autant plus nécessaires après une gueule de bois (haha, qui en a été victime ?) suite à une soirée arrosée à notre crêperie préférée et son vin blanc de la casa ! Repos à Cusco donc puis départ pour Urubamba, au Refugio Tikabamba, lieu où se pratique la permaculture, l’écoconstruction, le yoga et tout plein de bonnes choses en accord avec la nature qui, ici, s’appelle la Pachamama. C’est notre pause écolo du voyage, celle qui va nous conforter dans certaines de nos convictions et nous glisser des idées et des envies fortes pour notre futur. Alors oui, Rémi traine un peu des pieds à l’idée de débarquer dans cet endroit hippie aux accents de « plan Ricco », mais sa philosophie durant ce voyage étant aussi de sortir de sa zone de confort, il est prêt à tenter l’aventure. Charlotte quant à elle est toujours accompagnée par sa curiosité débordante, donc ça ne change pas !

Nous y arrivons ainsi par un beau dimanche de soleil où nous sommes accueillis par celui qui sera notre hôte durant cinq jours : Javier. Rasé sur les côtés, avec une touffe de cheveux poivre et sel sur le milieu, fines lunettes, sac d’inspiration indienne en bandoulière, et grand sourire, Javier pourrait être la photo qui accompagne la définition du mot « hippie » dans le Robert. Nous discutons quelques minutes avec lui et Filipa, qui vit aussi dans cette maison-atelier. Nous faisons également la connaissance de Nehru, leur chiot énergique que nous rebaptisons très vite le chien piranha, tellement celui passe son temps à mordiller tout ce qui se trouve sur son chemin (y compris même le petit chat avec qui il partage la maison !). Le lieu est enchanteur, niché au cœur de la vallée sacrée, au milieu de grands arbres et au pied d’une raide colline, le tout délimité par deux petits cours d’eau. Il y a de l’espace, on respire, et on écoute les bruits de la nature (bon aussi celui du cochon du voisin !). Mais ce qui impressionne le plus, ce sont les bâtiments, tous construits des mains de Javier avec des matériaux naturels où le bois rejoint l’adobe dans des formes et un design originaux. Nous serons logés dans l’une des deux chambres de la bâtisse indépendante réservée à ceux qui sont de passage. Rémi sourit car il y a une mezzanine pour dormir, ça lui rappelle son enfance ! Cuisine, douche solaire et toilettes sèches, tout l’équipement y est ! Pour le moment, nous mettons en place notre programme à venir avec Javier : ça commence le matin à 7h avec une séance de yoga, puis préparation et dégustation du petit déjeuner avant de s’adonner aux travaux pratiques et physiques dans la huerta (le potager). Nous partageons ensuite le repas du midi ensemble, puis l’après midi c’est libre. On s’installe dans notre mezzanine, à la fois enthousiastes et sceptiques devant cette nouvelle aventure, nous voici apprentis écolos en formation sur le terrain !

Jour 1. La huerta c’est dur.
Quand le réveil sonne à 6h45 pour aller faire du yoga, Rémi se demande ce qu’il fout là. Nous arrivons à l’heure (ce sera la première et dernière fois car tous les autres jours nous accuserons entre 5 et 10 minutes de retard, cf. quart d’heure marseillais) et cette première séance nous dérouille bien. Dans une petite pièce parfumée à l’odeur du Palo Alto, Javier nous a réunis pour débuter la séance. L’ambiance intimiste invite à la méditation et au réveil musculaire. On ferme les yeux, on suit la voix posée de notre professeur du jour et nous partons pour une heure de pratique. La salutation au soleil donne le ton : la part belle est faite aux étirements que nous enchainons non se demander comment celui qui est en face de nous arrive à être aussi souple ! Nous découvrons ainsi l’existence de certains muscles.  On passe ensuite à la préparation commune du ptit dej, c’est-à-dire un véritable festin ! Il y a du pain à la farine de coca fabriqué par Javier, un énorme jus de fruits saupoudré de maca, de gros morceaux de cacao, des bananes plantains, de la confiture, du fromage, des avocats, on n’est pas loin du petit déjeuner le plus nutritif de l’histoire ! Une fois assis Javier et Filipa nous prennent les mains pour… remercier la Pachamama, « les frères et sœurs qui cultivent la terre », les éléments qui la rendent fertiles. Nous sommes un peu surpris, mais nous comprenons le rapport étroit qui est créé ici entre la nature et la vie humaine. En tout cas, on peut vous dire qu’après la séance de yoga et ce petit déjeuner complet, on a une patate d’enfer ! Cela tombe bien car nous allons pour notre premier matin dans la huerta travailler sur une future parcelle de pommes de terre.

Javier nous explique d’abord le principe de son potager organisé en permaculture. Ici tout sert à quelque chose, de la paille pour protéger le terrain au compost pour enrichir la terre en passant par les chenilles qui nettoient les plans. Tout le monde a son utilité et la parcelle est en perpétuel changement. Nous empoignons pelles, râteaux et autres outils pour débarrasser le sol des restes des anciennes cultures. Très rapidement Charlotte s’ennuie dans cette tâche répétitive, Javier le note et lui propose de nettoyer le compost, ce qui lui correspond mieux ! Quant à Rémi, son dos ne le remercie pas mais il continue son labeur, et nous ne voyons pas la matinée passer. La récompense viendra non pas de la douche solaire qui s’avère très vite froide (satané soleil chauffe un peu !) mais du nouveau festin, végétarien bien entendu, que nous partageons à six en compagnie de Filipa et les deux voisins péruviens qui bossent de temps à autre sur l’entretien de la maison. Il est déjà 15h, le soleil se couche dans moins de 3h, nous avons le temps de faire un aller-retour en ville à Urubamba pour s’acheter au marché de quoi cuisiner pour ce soir. Nous ne ferons pas long feu, le travail dans les champs ça fatigue ! À l’issue de cette première journée c’est le sentiment de découverte qui l’emporte. Ni plus ni moins.

Jour 2. Ouh la gadoue la gadoue.
On a beau avoir dormi une bonne dizaine d’heures, être matinal ça fait mal. On a des courbatures partout (#ilfautauverledosdeRemi) et le yoga s’avère un peu tendu. Javier le sent et se concentre sur des exercices de méditation et de respiration (ce qui n’est pas hyper pratique avec des narines bouchées !). Un des exercices, que nous répèterons avant d’entamer tout mouvement, est celui d’imaginer une rose de couleur orange, d’y mettre notre énergie, lui rendre, l’insuffler à l’univers (pour ceux à qui ça parle pas on a une LV2 yoga désormais, on vous explique en rentrant !).

Aujourd’hui l’activité tourne autour du pisé, cette technique de bio-construction utilisée depuis longtemps par de nombreux peuples et dont la recette varie peu. Javier nous montre comment préparer un mélange d’argile, de sable, de paille et d’eau qui servira de finition sur un mur (en l’occurrence celui des toilettes sèches). Et pour mélanger l’ensemble quoi de mieux que de le faire avec les pieds, un peu à la manière des vignerons pour le raisin ! Nous sommes accompagnés par Mariana une jeune architecte portugaise qui vient de passer plusieurs semaines ici pour se roder aux techniques de l’éco construction avec Javier. D’ailleurs, avant de continuer plus loin nous vous devons la vérité derrière le glamour. On en parle des toilettes sèches ou pas ? Car, liées au changement de rythme alimentaire elles participent grandement à notre mutuelle constipation, simplement parce que beh on sait pas trop comment faire dessus (littéralement). Faut dire que l’être humain se pose quelquefois des questions stupides qui lui paraissent tout à coup d’une importance fondamentale telle que « mais, les mouches, elles vont où, enfin, jveux dire, elles rentrent pas… ? ». Bon, on vous rassure, dès le lendemain on maîtrisait les toilettes sèches ! Nous avons ainsi repeint les murs (non, pas de jeux de mots, on parle du pisé, mauvais esprits que vous êtes !) grâce à notre argile, sous les conseils de Javier.

Le soir nous nous retrouvons tous en ville pour fêter le dernier jour de Mariana avant son retour au Portugal. Direction la meilleure pizzeria du Pérou, celle où lors de notre arrivée à Urubamba le premier jour nous avions rencontré le pétillant Jorge qui tient le lieu avec ses parents, italo-péruviens (ou péruo-italiens, au choix). Puis Javier nous propose de venir à une impro de musique avec des potes à lui. Ici un petit aperçu de ce lieu où se croisent toutes les générations et instruments (attention, le syndicat des audioprothésistes déconseille l’écoute de cette vidéo) :

Jour 3. Cosméthiques.
Le yoga se déroule sans accroche (Rémi commence à y prendre goût !), chacun découvrant ce pourquoi son corps est plus doué : à Rémi la posture de la chandelle inversée, à Charlotte le pont, à Javier tout le reste ! Au ptit-dej (ça, on y a pris goût depuis le début) Javier nous annonce qu’il doit se rendre à Cusco, ce sera donc journée libre. Ça tombe bien car après ces deux premiers jours, où l’on se sent bien, on ressent aussi une certaine lassitude (eh ouais, deux jours de boulot et ça y est on en a marre de « travailler ») et nous avons l’impression de vivre dans une bulle qui ne nous convient pas tellement. D’autant que nous n’avons eu au final que peu de moments pour échanger avec nos hôtes. Partagés entre l’envie de partir et celle de rester nous éliminons cette deuxième option au profit de celle laissant le temps au temps. Du coup c’est tranquillou, on prend notre première douche chaude (alléluiah !), on bouquine au soleil, puis pause café en ville et en fin d’aprem nous revenons au Refugio car Charlotte doit assister à la fabrication des cosmétiques naturels que Filipa vend sur des marchés (#activitéRicco). Pendant près de 3h, que Rémi passe à s’ennuyer photographier toutes les étapes du processus de fabrication, Charlotte se familiarise avec le beurre de cacaco, les extraits d’huile de calendula, la cire d’abeilles, etc. Filipa nous explique l’importance pour elle de se réapproprier ce que nous mangeons mais aussi ce que nous utilisons comme produits de beauté ou d’entretien dans la maison et surtout d’utiliser le moins d’ingrédients possible. « Les savoirs faire traditionnels ont été perdus au profit de grands groupes cosmétiques et pharmaceutiques qui dépossèdent les individus de connaissances ancestrales en vendant des substances nocives non seulement sur la planète mais aussi pour les humains, c’est insensé ! ». Elle prône donc un retour aux recettes naturelles, à une reconnexion avec la nature et ce qu’elle offre comme propriétés.

Jour 4. Compost le poto.
Ce matin nous sommes seuls avec Javier pour le petit déjeuner, et celui-ci s’éternise devant une discussion très intéressante sur sa manière de voir la vie, son respect de la nature, sa vision de l’écologie, ce qu’il pense du Pérou aujourd’hui. Nous découvrons un homme dont la force est d’avoir construit (normal c’est un architecte) une vie en accord avec ses idéaux. Après avoir beaucoup voyagé et fondé une famille, le voilà désormais posé dans son havre de bonheur. Il se dégage de lui une vraie sérénité et une joie de vivre que l’on retrouve lorsqu’il s’agit de se rendre dans la huerta. Car aujourd’hui, c’est compost party ! Le sien est composé de deux grands bacs et pendant que l’un est en activité, l’autre laisse la terre en repos. Notre mission du jour est de nettoyer un des bacs, arracher les mauvaises herbes qui ont élu domicile, transvaser ce qu’il reste de l’un vers l’autre (#déménagementpourleslombrics), enrichir avec… du fumier de cuy (la voisine a un élevage du coup ils pratiquent le troc, engrais contre fumier) et de l’urine des toilettes sèches (eh oui rien ne se perd on vous a dit !), arroser puis recouvrir avec du carton. L’étape qu’avait effectuée Charotte le premier jour avait permis de passer au tamis le bac qui va être désormais au repos, et d’en extraire une terre extrêmement riche, que Javier appelle son « or noir ». D’ici 3 mois, ce sera rebelote. On se dit que nous faisions pitié avec notre compost d’intérieur à Marseille qui s’est révélé être un échec total ! Mais maintenant le compost n’a plus de secret pour nous !

Comme il fait beau et que nous ne sommes qu’avec Javier nous installons une nappe dans le jardin, à côté du four solaire (c’est long mais c’est classe !) et nous pique-niquons en philosophant. Pour Javier chacun-e est en cheminement et il est inutile de dire aux gens ce qu’ils doivent faire, penser ou comment le faire. « Tu as un ami qui mange du Nutella sans se soucier de ce que cette marque détruit à l’autre bout de la planète ? Il est inutile de lui dire d’arrêter d’en acheter, c’est à lui de se rendre compte. Disons que tu peux lui envoyer des documents expliquant comment est produit le Nutella, ensuite c’est à lui de se faire sa propre idée selon son schéma de valeurs. Quant à toi inutile de bouillonner intérieurement, la colère contre ton pote ne t’apportera rien, sinon ensuite de t’enfermer uniquement avec des gens qui comme toi boycottent Nutella. Non, dis-toi simplement tant pis pour lui, tout en essayant d’être toi en accord avec ce que tu penses. En tout cas ça fait plaisir d’entendre des jeunes dire qu’ils boycottent Nutella ou Coca Cola ! ».

Nous le quittons en milieu d’après-midi pour partir randonner avec Jorge, notre copain de l’hôtel des pizzas. Un mec fou de VTT qui nous indiquera tous les cent mètres que nous avons grimpé… cent mètres. Nous terminerons la balade dans la nuit guidé par le sourire de Jorge, aussi sportif que sympathique ! Ce soir, nous n’aurons une nouvelle fois pas de mal à trouver le sommeil.

Jour 5. Semer la vie.
Dernier yoga. Bon, on a encore du mal à s’imaginer être une « rose orange » quand Javier nous invite à le faire, mais ce rituel de réveil du corps et de l’esprit chaque matin nous a au final bien plu, et nous sentons que nos corps vont nous reprocher d’abandonner cette pratique quotidienne (oui ne rêvons pas, si on parvient à faire une salutation au soleil par semaine ce sera déjà très bien !). Pour le petit dej, nous faisons une surprise à nos hôtes en leur proposant des crêpes que nous avions fait la veille en catimini. Le mélange crêpe-banane plantain-confiture passe très bien ! Comme c’est le dernier jour, c’est à nous de conduire le bénédicité. Rémi regarde avec des grands yeux Charlotte, qui se lance. Nous le faisons à notre manière, c’est-à-dire sans détour et en remerciant surtout nos hôtes. Notre dernier module avec Javier est tout doux : nous allons planter de graines. On va les choisir avec lui dans sa grainothèque avant d’aller les semer dans une mini-serre où les petites pousses grandiront, ou pas, puis seront transplantées en terre.

Javier nous donne des graines de Tarwi à essayer de faire pousser de retour en France car il se pourrait que notre climat soit propice à cette sorte de fève (mise à jour Tarwi : Rémi les avait glissées dans la poche de son pantalon, le pantalon était sale, on a fait une machine quelques jours plus tard à Arequipa, Rémi n’a pas vérifié ses poches, RIP les graines de Tarwi…).

Puis vient l’heure de quitter ce lieu devenu si attachant, de dire au revoir à cette utopie. C’est avec une pointe d’émotion que nous disons au revoir à Javier et Filipa, sans oublier ce diable de Nehru encore en train d’essayer de nous mordiller d’affection ! Nous leur disons qu’en passant ces cinq jours ici, c’est comme s’ils avaient semé dans nos esprits une petite graine qui ne demande qu’à pousser dans le futur que nous envisageons tous les deux. Au final, cette semaine aura à nouveau enfoncé le clou qu’un autre monde est possible. Alors certes nous ne nous sommes pas toujours sentis dans la même dimension, notamment dans l’aspect méditation, pendant les repas un peu trop cérémoniels pour nous où il nous a manqué une touche d’humour ironique tel que nous l’apprécions. Mais, leur vision de la vie en adéquation avec la nature sans être non plus extrémiste et sans vouloir imposer ça aux autres nous a carrément inspirés. On a pris ce qui était bon pour nous, on s’est dit qu’on l’adapterait à notre sauce et on s’est mis à rêver de revenir à Marseille, pourquoi pas à la campagne, pour essayer de vivre de façon plus autonome (rappelez-nous ça quand on sera dans notre 45 mètres carrés du centre-ville !). Surtout, on garde cette idée, celle qui dit que « si je ne peux pas danser ce n’est pas ma révolution ». Hippies mais pas trop, surtout Happy en vérité !

4 commentaires

  1. Cela nous rappelle une semaine de stage que l’on avait fait à Manosque puis ensuite du côté de Cahors début des années 80. On perçoit chez vous un changement qui se fait petit à petit mais en profondeur. Vous cherchez votre voie … l’important étant de pouvoir vivre le plus possible en accord avec soi sans se prendre la tête !
    On a bien aimé le passage sur le Nutella … montrer et ne pas imposer.
    À votre retour on fera des séances de méditation … actuellement Gégé fait 3 séances par jour de cohérence cardiaque (365). On a hâte de discuter de tout ça avec vous . On vous chercher un logement à la campagne……

    1. Trop de choses à vous répondre, on en discutera avec plaisir à notre retour, entre deux séances de yoga à Montclar !! En attendant, on veut bien que vous nous cherchiez une maison à la campagne ! Bisous écolos 🙂

  2. eh eh on vous attend pour le mur en pisé de nos toilettes seches ….. c’est toujours un plaisir de vous lire et là en plus d’entendre remi parler espagnol devant des petites graines !, il faut dire que votre ami happy man javier est impressionnant par son rapport au temps , au silence !
    bon question pratique musicale , on ne te voit pas charlotte mais toi remi tu peux progresser !!!
    on vous embrasse

    1. Oui désormais on est opérationnels pour tout retaper en mode écolo, et même en espagnol et en musique ! D’ailleurs vous aurez noté que l’instrument dont « joue » Rémi est quand même un mini-accordéon en forme de squelette, si c’est pas du recyclage ça ! On vous embrasse

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