Chili #5 : c’est le Nooooooord

// 9 – 15 mars 2018 //

A la base, après San Pedro de Atacama on s’était dit qu’on irait à Uyuni en Bolivie. Mais comme on aime bien changer nos plans (remember Ushuaïa) on a décidé de rester au Chili et de pousser dans le grand Nord. On faisait les malins à dire qu’on supportait désormais très bien les longs voyages de bus, mais là les 5h entre Calama et Iquique font mal. La faute à un bus avec une clim défaillante alors que dehors le soleil du désert que l’on traverse tape très fort. Pour ne rien arranger, nous sommes assis aux deux dernières places tout au fond du bus, à côté des toilettes et apparemment au-dessus du moteur qui chauffe ! Heureusement, l’arrivée sur Iquique de nuit est magnifique et nous fait oublier ce que nous venons d’endurer. Nous surplombons la ville illuminée qui se love entre les dunes et la mer. Une fois pied à terre, nos narines s’embaument d’un air marin aux fortes nuances de poisson. Mais pas le temps de niaiser, il faut trouver un toit bon marché pour passer la nuit, car fait rare, nous n’avons rien réservé malgré notre arrivée tardive. Peine perdue tout est très cher et nous nous retrouvons dans une chambre sans eau chaude d’où nous entendons respirer les voisins. Pour la suite du séjour, nous fuyons chez Roger (c’est le nom qu’on lui a donné) qui nous accueille dans son petit immeuble où il loue des chambres bien équipées, avec un balcon qui nous servira de mirador pour regarder la vie grouiller dans la rue. Après nos expéditions à San Pedro et aux Tres Cruces, nous prenons le temps de se poser et ne pas faire grand-chose (enfin, on a bien bossé sur le blog quand même, ça prend du temps toute cette affaire !).

Le lendemain, le passage par l’office de tourisme le plus complet du monde, avec visites via google street, nous aide à dessiner notre séjour et confirme notre idée première de se la couler douce. La ville se prête à merveille à la flânerie urbaine, avec son front de mer dédiée aux baigneurs et aux surfeurs, sa large rue piétonne très agréable, son marché central où nous dégustons notre meilleure soupe de poisson… bref, Iquique est une ville portuaire qui s’encanaille le soir et qui se la coule douce la journée. Après deux jours à buller nous consacrons le quatrième et dernier à Iquique pour une double visite dans les environs en commençant par le Géant d’Atacama, grand géoglyphe (dessin ou motif à même le sol, là en l’occurrence à fleur de montagne), visible depuis la route. Encore faut-il atteindre la route. A l’office du tourisme on avait eu l’impression que ce serait non pas facile mais faisable. Autant le dire tout de suite : google street view 0 – reality 1. A la gare centrale on nous dit d’aller prendre des bus locaux à un autre endroit de la ville. Arrivés dans la rue chaque compagnie nous renvoie l’une vers l’autre avant que nous ne découvrions que le prochain bus vers le Géant est à 11h30, trop tard au vu de la chaleur. Nous décidons alors de switcher le Géant et d’aller visiter un site voisin classé à l’Unesco : Humberstone. Du nom de son propriétaire, Humberstone est une ville-exploitation de salpêtre. Au XIX siècle la découverte de gisements de salpêtre a permis au Chili de s’assurer une renommée mondiale qui a évidemment profité aux grands propriétaires des mines à proximité desquelles vivaient les ouvriers et leurs familles. Humberstone est un exemple de cette ruée vers l’or blanc. Pour info le salpêtre signifie littéralement « sel de pierre » en latin médiéval et l’exploitation de ses gisements produit le nitrate de soude, un engrais qui allait transformer le paysage agricole de l’Amérique du Nord et du Sud, ainsi que celui de l’Europe. Le site, désert, autant par son essence de lieu abandonné que par son absence de touristes, présente différents lieux de vie bien compartimentés. On y trouve les habitations des ouvriers célibataires, les maisons des ouvriers avec femmes et enfants (excessivement vétustes, sans eau ni électricité), les logements des employés supérieurs et des chefs, les bâtiments de l’administration, une piscine, un théâtre, un musée (on précise que les loisirs sont réservés aux riches), une église, une école, un marché et une « puplperia ». C’est là que viennent se ravitailler, à l’aide de coupons de rationnement, les employés. Au Nord du site se trouvent les bâtiments d’extraction où travaillent 12h par jour les ouvriers, dits les « pampinos », commençant leurs journées à 4h45 du matin en été. Des mouvements de protestes en faveur de condition de vie plus décentes (ou disons plutôt moins terribles) voient le jour mais sont littéralement massacrés. Les pauvres bossent tandis que les riches profitent (ah tiens c’est marrant, comme… toujours ?). Cependant les luttes pionnières menées par les pampinos pour la justice sociale eurent un profond impact sur l’histoire sociale. Sur les murs d’une salle de classe les mémoires d’un enfant né à Humberstone sont accrochées et permettent de lire le récit de sa vie jusqu’au jour où il décidera de ne pas travailler à la mine comme le reste des enfants mais de partir à Arica, la grande ville voisine. Dans un passage il évoque le sort des femmes des ouvriers : « dans tous les endroits du monde les conditions de vie des femmes de travailleurs au foyer sont terribles mais ici dans le désert elles sont rendues d’autant plus désastreuses à cause de la chaleur et du manque d’eau ». Merci pour cette remarque Ernesto, ça fait plaisir de lire une ligne quelque part à propos du sort des femmes car nulle part ailleurs elles ne sont mentionnées !

Le site d’Humberstone est tellement grand que le petit Rémi et la petite Charlotte arriveront à se perdent de vue pendant de looooongues minutes. « Mais putain tu étais où je t’ai cherché partout ? » « Beh moi aussi je te cherchais, je pensais que tu étais parti par là » « Ah ben non moi je suis parti par là… » Nous fêtons nos retrouvailles dans l’ancien théâtre vide où l’on s’amuse comme des petits fous à improviser des discours et à inventer des mises en scènes photographiques (à voir à la fin de l’article !). Même chose à la pulperia, on ne résiste pas à faire les cons avec les modèles de cire. Bref, on passe du bon temps, beaucoup de temps, puisqu’au bout de cinq heures passées sur place, on se dit que c’est peut-être le moment d’y aller ! Au moins, on l’aura visité de fond en comble cette ville fantôme d’Humberstone ! Sur le chemin du retour, nous pouvons admirer l’incroyable dune de quatre kilomètres qui surplombe Iquique, offrant un contraste saisissant entre le désert, la ville et la mer (enfin l’océan Jean-Michel Précision).

Le lendemain nous partons vers Arica, la grande ville du Nord où flotte le plus grand drapeau du Chili au sommet d’une colline qui domine la ville. On y grimpe après avoir réservé dans une agence de tourisme le tour vers le parc national voisin, le parc Lauca. Le panorama sur la ville est sympa mais ce qui retient l’attention de Charlotte c’est un panneau prônant le dialogue interculturel entre le Chili, le Pérou, la Bolivie et l’Argentine en vertu de leurs cultures communes. En effet le Nord-Est du Chili, le Sud du Pérou, le sud-Ouest de la Bolivie et enfin le Nord-Ouest de l’Argentine furent un temps un seul et même territoires dont les populations gardent des langues et tradition communes. En redescendant vers la ville nous nous rappelons des conseils de la dame de l’agence de voyage « demain vous passerez de 0 à 4500 mètres d’altitude, buvez beaucoup et mangez léger ». Or quand on voit l’écriteau « PIZZA » vous devinez ce qu’il se passe dans nos estomacs. Non mais jambon fromage c’est léger non ?

Le tour commence par le passage devant des géoglyphes, l’arrêt dans un village dont le seul centre d’intérêt est sa petite église, la photo souvenir devant les typiques cactus candélabres. Niveau bestiaux notre guide-chauffeur nous emmène au plus près de Vicuñas, de lamas et de vicashas, sorte de gros lapins à longues moustaches. Puis on monte rapidement en altitude pour surplomber Putre (on a fait beaucoup de jeux de mots sur le nom de cette localité !) et continuer vers le Parc Lauca. Le Lac Chungarà en est la pièce maîtresse, dans lequel se reflète le volcan Parinacota. Pour Charlotte, c’est de toute bôôôôôté, alors que Rémi est un peu contrarié par la présence de nombreux nuages ! Il est déjà plus de 14h, le temps de retourner à Putre où nous attend un solide déjeuner à base de soupe de légumes et poulet ET plat de riz pomme de terres et poulet (#adieuvégétarisme).

Tandis que le reste du groupe repart vers Arica nous restons sur place, comme décidé la veille, afin de tenter e passage de la frontière en stop le lendemain matin. Pour notre dernière nuit au Chili nous nous souhaitons que ce soit effectivement la dernière et de réussir notre opération frontière ! Nous sommes le 15 mars, il fait beau, nous entamons la première étape de notre périple : trouver une voiture qui sort de la ville et nous dépose en haut, sur la route internationale. Très rapidement une voiture s’arrête, deux gars qui bossent à Parinacota (ce nom fait penser à la panacotta), bourgade plus en amont mais qui ne continue pas vers a Bolivie, se proposent de nous emmener jusqu’au poste des carabinieros d’où l’on pourra facilement convaincre un chauffeur routier de nous prendre en stop. Lorsqu’ils nous déposent on se dit que c’est en effet l’endroit rêvé pour faire arrêter des camions : il y a tout simplement un panneau STOP obligatoire. La route est sillonnée par des routiers boliviens, le pays ayant perdu son accès à la mer lors de la guerre du Pacifique contre le Chili qui en dédommagement leur octroie le libre passage vers Arica. Le cadre est idyllique et on met toute notre bonne énergie pour attirer des chauffeurs. Après quelques minutes l’un d’entre eux est prêt à nous prendre mais il préfère nous prévenir il travaille à Parinacota et nous déposera avant,  on accepte, ça fait toujours quelques kilomètres de gagnés. Le gars nous dit qu’il est jeune papa, à 50 ans ( !), d’un fils de 3 mois et qu’il s’est marié la semaine dernière. On ne discute pas longtemps car très rapidement il s’arrête sur une bande de terre à l’entrée d’un site de travaux et descend de son camion. On le regarde s’en aller dans le rétroviseur en imaginant qu’il va demander à son chef de nous rapprocher de la frontière. On plaisante sur la chance qu’on a car pour l’instant tout se passe à merveille. Les minutes passent, le chauffeur ne revient pas. Il a pourtant laissé les clés sur le contact, moteur allumé et portable sur en vue. Il ne devrait donc pas tarder. Les minutes repassent, toujours rien. Charlotte se rend compte que du côté passager où elle est il est impossible d’ouvrir la portière. Muy bien. On décide alors qu’au bout d’un quart d’heure on tenterait l’évasion. D’autant qu’après vérification sur MapsMe (notre GPS) Rémi remarque que nous ne sommes pas encore à Parinacota. Le moment arrive, et toujours pas notre chauffeur à l’horizon. Rémi passe alors du côté conducteur, ouvre la porte, descend du camion, vient ouvrir à Charlotte qui lui passe les sacs et descend à son tour. On se met alors à chercher notre chauffeur pour ne pas partir comme des voleurs. On demande à trois personnes différentes à qui appartient le camion vert dans lequel nous étions. Personne ne sait et le lieu ne nous donne guère envie de nous y attarder, surtout lorsque l’un des chiens commence à nous mordiller les mollets. On s‘apprête à partir quand Charlotte propose de faire un tour dans le bâtiment qui semble être une cantine. Nous poussons la porte et qui voyons nous en train de prendre son petit déjeuner ? Notre chauffeur qui nous sort une phrase inintelligible avant de retourner vers son camion sans nous accorder plus d’attention que cela.

Ok, bon, on n’a pas trop compris ce qui nous était arrivés, mais on a la chance de se trouver à quelques mètres d’une bande de stationnement, ce qui devrait faciliter l’arrêt de camions. Plusieurs voitures passent, des camions aussi, mais personne ne veut de nous. Aurait-on perdu notre bonne étoile ? Non, car voici un gros camion blanc qui s’arrête ! A son bord, Angel, chauffeur bolivien qui accepte de nous conduire jusqu’à la frontière. On grimpe avec lui et c’est parti pour trois heures de discussions, Angel étant calé en marques de camions et se plaisant à nous faire noter chaque Renault qui passe en face de nous. Cela fait 30 ans qu’il exerce ce métier et déjà plusieurs années qu’il effectue ce bout de route, ou plutôt de piste, entre Chili et Bolivie. D’ailleurs lorsque nous posons des questions sur son pays Angel est catégorique : en Bolivie tout est mieux ! Les routes sont asphaltées, les fruits et légumes sont sans pesticides, la vie est moins chère, les paysages sont plus beaux et les gens plus gentils qu’à Lima, Santiago et au Brésil, truffés de délinquants ! Bon, faut quand même faire attention à La Paz nous dit-il, mais à part ça la Bolivie c’est mieux que tout ! Lorsque nous arrivons près de la frontière nous déchantons car une énorme file de camions se dresse devant nous. Et chaque fois c’est pareil nous explique Angel, il faut attendre car la douane chilienne vérifie les papiers, et ça peut prendre des lustres. Nous lui proposons de continuer à pied mais Angel insiste pour que nous ne descendions qu’après le virage, histoire de gagner quelques mètres. Et c’est ainsi que nous resterons plus d’une heure au point mort, à attendre, en buvant pas mal d’eau que nous offre Angel car « l’eau de Bolivie c’est la meilleure » ! Nous finissons par atteindre le virage, prenons un selfie avec notre sympathique chauffeur et c’est parti pour le passage de la frontière à pied.

Nous sommes les seuls à effectuer cette démarche, tout autour de nous il n’y a que des camions. Nous sommes interpellés par un militaire bolivien qui nous demande ce que nous faisons ici. On lui explique qu’on vient de Putre en stop et qu’on souhaite passer la frontière. Comme on sait que par exemple il est interdit d’importer des fruits, légumes, produits animaux et laitiers, fleurs (bref, beaucoup de choses) au Chili on lui demande si c’est la même chose en Bolivie d’autant que nous avons un petit sachet de parmesan que Charlotte lui montre. Il nous conseille alors de le cacher dans la poche de la veste, de ne pas s’inquiéter car la Bolivie est moins restrictive et nous souhaite la bienvenue dans son pays avec un large sourire ! Nous entrons dans le bâtiment de la douane et nous dirigeons vers le guichet d’entrée en Bolivie. Or quelque chose semble préoccuper notre douanier, il ne trouve pas le visa de sortie du Chili, et pour cause, avant de venir le voir il fallait passer devant un autre guichet, situé deux mètres avant pour administrativement sortir du Chili ! Nos tampons obtenus nous sortons du bâtiment, nous sommes en Bolivie, mission réussie !

 

4 commentaires

    1. On imagine Damien faire la même tête que Rémi à la tribune lorsque tu lui as proposé d’aller à Humberstone ! Merci pour le commentaire 😉

  1. Vous aussi un chien vous a mordillé les mollets … pour Gérard c’était dimanche où un méchant chien lui a attrapé le mollet puis la cheville car il voulait protéger son maître !! Enfin plus de peur que de mal.
    Vos photos à Humberstone sont géniales ? Surtout celle où on croît voir Fidel Castro à la tribune.
    L’article est peut-être un peu long mais intéressant.
    Bolivie à vous deux ….
    Bisous et on attend la suite avec impatience pour tout voir sur le salar d’Uyumu.

    1. Ici le problème c’est que les chiens ont la rage (heureusement Rémi est vacciné !). Cool pour les photos, ça fait plaisir et merci pour la critique sur la longueur du texte, on a besoin d’avoir des retours et on prend note de celui-ci ! Gros bisous
      P.S : le salar arrive bientôt

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