Chili #4 : Avec ou San Pedro ?

// 5 – 8 mars 2018 //

Ah tiens d’autres touristes ! Cela faisait un moment que l’on n’avait plus côtoyé d’autres de nos « semblables », entre notre expédition dans le sauvage Parc Tres Cruces et nos étapes dans les peu touristiques villes de La Serena et Copiapo. Il faut dire que San Pedro de Atacama est un passage incontournable pour celui qui visite le Chili et nous allons voir si cela en vaut vraiment la peine.

Mais déjà, pour s’éviter la foule et les prix de gringos, nous avons décidé avec Sebastian (qui s’appelle aussi Pedro) et Sophie qui poursuivent l’aventure avec nous, de prendre un logement « rustique » éloigné du centre. Sur le coup, quand nous marchons depuis plus d’une demi-heure sous un soleil de plomb avec nos gros sacs à la recherche de notre maison, on se dit que ce n’est peut-être pas l’idée du siècle… Note pour l’avenir, lorsque les commentaires d’un hébergement indiquent que « c’est un peu excentré mais ça se fait en 20 minutes », comprendre que c’est au trou du cul du monde et que sans voiture on va galérer ! C’est finalement tout au bout d’une piste que nous trouvons enfin le sourire de Doña Elsa, la sémillante chef de famille qui nous accueille avec bienveillance. Les murs de toute la propriété, sont en adobe, un matériel utilisé dans la région et obtenu par un mélange d’argile, d’eau et de paille.  Ici c’est la campagne, il y a des moutons (on y reviendra plus tard), des lamas, des chevaux, des chiens, des chats et des mouches. Toute la famille vit ici, les voisins sont les frères ou des cousins. On se sent immédiatement bien ici, en mode déconnexion totale comme le suggère Elsa.

Il va bien pourtant falloir retourner au centre-ville pour préparer les excursions des prochains jours. Car en réalité à San Pedro de Atacama il n’y a pas grand-chose à faire. Ce village, qui n’était pas touristique il y a une quinzaine d’années, sert avant tout comme point de chute pour visiter les différentes merveilles des alentours. Nous tentons de louer une voiture, sans succès. Nous nous rabattons donc sur le choix d’une agence. Et là on a beau être dans le désert c’est la jungle. Sensation d’étouffement : trop de monde, trop de chaleur, trop d’enseignes touristiques… nous avons vite envie de retourner au calme chez Elsa ! On réserve quand même trois sorties : celle des lagunes altipaniques, des geysers et de l’observation des étoiles puis rentrons « chez nous ». Une proposition nous y attend, celle d’assister le lendemain à 7h du mat’ à l’exécution d’un des agneaux de l’exploitation familiale que Sebastian se fera un plaisir de cuisiner sur le barbecue trônant au milieu de la terrasse. À la fois curieux et décontenancés nous acceptons, car en carnivores que nous sommes il nous semble opportun de voir comment cela se passe.

6h45 le réveil sonne, nous enfilons nos habits, réveillons Sebastian, laissons Sophie dormir, prenons l’appareil photo et sortons de la chambre. Les premières lueurs du jour colorent le ciel de reflets rosés tandis que nous suivons Elsa vers l’enclos des bêtes. La première étape consiste à choisir l’agneau et à l’attraper. C’est alors qu’un étrange ballet s’offre à nous. L’instinct animal fait courir les moutons d’un point à l’autre créant un cercle autour de Sebastian et Elsa. Mais très vite un agneau est choisi, Elsa l’attrape, Sebastian l’aide à le mettre sur le dos et tous deux le portent à bouts de bras par les pattes. La bête ne se débat pas trop, sauf au moment où Elsa demande à Charlotte de la remplacer. Or très rapidement le flambeau passe à Rémi car Charlotte ne parvient pas à maintenir l’agneau assez fermement (et sans doute au fond n’en a-t-elle pas très envie). Nous passons de l’autre côté de la maison où des planches de bois attendent pour y déposer l’animal qui est tout à coup très calme et se laisse tranquillement attacher les pattes. Le mari d’Elsa arrive, armé d’un long couteau, et en une seconde c’est fait : la gorge de l’animal est tranchée, le sang coule dans une large assiette posée juste en dessous et après quelques spasmes nerveux plus rien, la mort est survenue. Vient alors l’étape de détachement de la peau opérée avec une extrême précision puis l’incision des pattes. Cette opération sert pour suspendre l’agneau à une chaîne coulissante attachée à un arbre afin de le mettre à hauteur d’homme et pratiquer le moment bloubiboulga : l’éviscération ! On ne pensait pas écrire ce mot sur le blog mais c’est bien de cela qu’il s’agit et tous les organes internes jaillissent, permettant un cours d’anatomie. Tout cela s’est passé en une petite heure, l’agneau restera là jusqu’en début d’après-midi où il faudra alors procéder à la découpe. Au final, le rituel nous a apparu certes impressionnant pour nos yeux de citadins mais aussi et surtout très naturel et traditionnel. Au moins, nous voyons la viande que nous allons manger et comment elle a été tuée, dans un environnement sain et respectueux de l’animal. Cependant, pas mal de réflexions surgissent sur le traitement des animaux, sur l’option de devenir végétariens et sur notre consommation de viande. Nous en reparlerons le soir…

Après ce moment fort, nous nous retrouvons à enfourcher les vélos les plus dégueulasses de San Pedro, qu’Elsa a dû retrouver au fond de son garage, mais bon tant que ça roule ça fera l’affaire ! Direction la Vallée de la Lune située trois kilomètres plus loin. Notre but est de parvenir jusqu’à une formation rocheuse appelée « Las tres marias » car comme d’hab certains y ont vu les silhouettes de trois Vierge Marie (ils avaient sans doute abusé de la coca). Spoiler : nous n’y parviendrons pas. La Vallée, décor hostile et désertique, n’est pas de tout repos, présentant des montées que seul Rémi parviendra à franchir en restant assis sur son vélo, et surtout il fait très chaud, trop pour boucler les 25 kilomètres du parcours. Faire du vélo dans le désert c’est une épreuve ! Le premier arrêt nous permet de passer par un dédale de roches y compris certains passages dans l’obscurité. Le deuxième nous amène à une dune digne de la Namibie. Sebastian et Sophie entament alors le retour tandis que Charlotte et Rémi s’élancent à la conquête des sables. Très rapidement Charlotte jette l’éponge « Prends des photos pour moi, je t’attends à l’ombre, va mon randonneur de l’extrême » ! Au final nous n’avons pas été transcendés par le paysage, certes spectaculaire mais pas d’une beauté à coup le souffle (ça c’est le vélo qui s’en est chargé !).

Après un repos bien mérité, la préparation de l’asado made in Sebastian débute dès la fin d’après-midi. Nous retrouvons notre agneau désormais en pièce et parti pour une lente et longue cuisson au feu de bois. Le tout sera accompagné par plusieurs légumes et par un cocktail de Pisco que nous fabriquons nous même. Ce dernier, en plus du vin de table, fera son effet chez certains ! La famille d’Elsa se joint à nous pour le repas et tout le monde se délecte de cette viande parfaitement cuite. On a beau l’avoir vu vivant puis mort, il faut avouer que la viande est délicieuse et on ne se lasse pas de se resservir. C’est alors que nous expliquons à nos hôtes le fonctionnement des grandes exploitations de viandes et le passage en abattoirs. Ils sont incrédules. Ils nous disent aimer leurs bêtes, les faire paître en extérieur toute la journée, en prendre soin car c’est important pour eux que la viande dont ils se nourrissent (aux deux sens du terme puisqu’ils en vendent aussi) soit bien traitée. L’idée du végétarisme les fait éclater de rire car ce qui compte pour eux n’est pas la mort de l’animal mais l’idée que sa vie participe à leur survie notamment alimentaire. Tant que la bête est bien traitée et bien tuée ils ne voient pas de problèmes. A cet instant nous non plus mais on sait pertinemment qu’à Marseille il nous est difficile de savoir si la viande que nous achetons a potentiellement passé une existence agréable avec une mort tranquille. Au contraire, il est quasiment certain que celle que l’on trouve en supermarchés, dans pas mal de restos, a souffert. Et puis au-delà de la souffrance animale, qui légitime à elle seule le fait de ne plus acheter de viande sans en connaître les conditions d’existence, il y a aussi la question de la conscience des animaux et de leur liberté privée pour notre alimentation et ce alors que les vitamines similaires se trouvent dans des graines, dans le soja, etc. On pense aussi au méthane rejeté par les bovins dans l’atmosphère et on se retrouve piégés par cette équation qui voudrait que la logique soit de devenir végétariens. On se sent coupables de dire « mais qu’est-ce que c’est bon la viande ». La voie du milieu, en admettant que l’élevage est une pratique juste, serait-elle de n’acheter que la viande que l’on a vue mourir ? Impossible en vivant en ville. Pour le moment on se dit que dans un premier temps nous allons continuer de limiter notre consommation de viande pour parvenir à une fois par semaine (Mémé de Charlotte si tu nous lis il faut arrêter avec les escalopes de veau et les steaks hâchés tous les midis !) et acheter non pas chez le boucher mais directement auprès d’agriculteurs. A voir si nous y parvenons et jusqu’où nous irons…

Au détour d’une conversation, nous évoquons la danse traditionnelle chilienne qui se nomme la Cueca, et annonçons à tout le monde que nous avons le défi d’en apprendre quelques pas (merci Papa Ricco pour cette idée !) Nous avons à peine eu le temps de le dire que l’ado de la famille Jonathan, et sa grande sœur Kimberley, sortent les enceintes et se lancent dans une démonstration de haut niveau. On ne peut pas en dire autant de Charlotte et Rémi, mais au moins on l’a fait : on a dansé la cueca au Chili ! Le résultat est à retrouver dans la catégorie défi du blog en cliquant ici ! Ce fut en tous cas un très bon moment de partage, avec beaucoup de rires et de sourires.

Le lendemain nous voilà partis à bord d’un mini bus à la découverte des alentours de San Pedro. Premier stop au salar avec les stars du lieu : les flamencos. Leur reflet dans l’eau limpide fait le bonheur de notre appareil photo. D’ailleurs instant culture confiture le flamant passe 17h de sa journée à se nourrir, ça ne laisse pas beaucoup de temps pour voir les potes, aller au ciné et tout ce genre de choses. La suite est une longue montée en attitude jusqu’à 4000 mètres pour découvrir deux lacs nichés au pied de volcans. C’est beau, mais il n’y a pas de quoi être excités comme des caniches en rut car ça n’a pas le même cachet que nos lagunes dans le Parc Tres Cruces. Eh oui on devient exigeant ! Le soir Charlotte se met en mode crêpes pour les faire goûter à notre petite famille chilienne. Bon, ils connaissent déjà, mais quoiqu’il arrive la crêpe au dulce de leche est une tuerie ! On ne se couche pas trop tard car le lendemain c’est expédition Geysers de Tatio et nous devons êtres prêts pour le minibus à… 4h30 du mat’. Pourquoi être aussi méchant ? Parce qu’avec la chaleur les Geysers ne sont en activité que le matin. Tinttintintn (bruit de trompette signifiant le réveil) dès 4h20 nous sommes prêts, ça tombe bien puisque le bus arrivera à l’heure à 5h15 !

Une fois installés sur nos sièges, Charlotte fait rire l’assistance à la fin du petit speech du guide en lui demandant : « ok mais c’est quand le petit déjeuner ?! » Le guide explique que ce sera pour plus tard puis éteint les lumières pour que chacun-e finisse sa nuit. 150 kilomètres plus loin, nous découvrons une atmosphère glaciale que les geysers, en nombre mais peu puissants, peinent à réchauffer. Ceci dit les fumerolles qui dansent dans ce décor de haute montagne rendent le lieu particulier. L’arrivée du soleil fait baisser l’activité des geysers mais renforce la beauté du site. Ça nous réchauffe en même temps que le petit déjeuner que savoure enfin Charlotte. La suite du tour est plus attrayante car nous quittons tous les autres touristes (eh oui nous n’étions pas seuls !) pour nous rendre dans un endroit plus confidentiel à plus de 4300 mètres d’altitude avec de gros cratères de fumée et une petite rivière où l’on peut se baigner dans des sources naturelles d’eau chaude, très chaude ! On sort les maillots et c’est le gros kif de se prélasser dans ce décor naturel superbe #mercilanature avant de lentement regagner le bus (on est en altitude, même remettre son t-shirt s’assimile à du sport de haut niveau).

On fait encore une halte puis regagnons le centre-ville où nous savourons un sandwich élaboré à base de baguettes (on t’aime la France !) comme si on était dans un resto gastronomique ! Puis à nouveau c’est le moment de la sieste et de l’apéro. Sophie a donné rendez-vous à deux françaises rencontrées lors de l’excursion du matin pour que nous prenions un verre tous ensemble. Or, c’est en vain que nous chercherons un bar qui ne fasse que bar car à San Pedro pour consommer des boissons il faut aussi commander à manger. Nous parvenons finalement à négocier de partager une barquette de frites à six avant que le serveur ne nous dise qu’en fait c’est ok il va tenter de nous servir que des boissons. C’est alors que nous faisons la connaissance du « Terremoto » (littéralement tremblement de terre) un cocktail à base de grenadine, pisco et dans lequel baigne une boule de glace à l’ananas. Amis du cholestérol bonsoir !

Nous nous dirigeons ensuite vers notre observation des étoiles à une quinzaine de kilomètres : il est 23h, le ciel est magnifique. « Non c’est juste un ciel normal » corrige Alain Maury, astronome français exilé au Chili et inventeur de ce tour astronomique. Pendant plus d’une heure, nous assistons à un véritable one man show comme le dit Charlotte. Avec beaucoup d’humour, il nous présente les petits et grands secrets de l’espace, ses constellations, ses planètes… C’est à la fois drôle et ludique, surtout pour Rémi qui apprendra qu’une étoile se situe à 32 années lumière (comme lui !) de la Terre tandis que Charlotte se promet de regarder le « C’est pas sorcier » spécial système solaire pour ne pas avoir l’impression d’avoir perdu de l’argent. Nous pouvons ensuite regarder à travers les télescopes installés dans le jardin et là c’est magique ! On voit la Voie Lactée, Jupiter, la Lune et pas mal d’autres astres. La soirée se termine vers 2h du matin et on s’endort la tête dans les étoiles (oui c’est facile mais on est fatigués !). Le lendemain c’est l’heure des séparations, nous disons au revoir à Elsa non sans lui avoir donné notre petite photo souvenir  imprimée (« je me souviens de tous ceux qui sont venus, mais c’est la première fois qu’on me laisse une photo ! ») et nous quittons aussi Sebastian et Sophie après une semaine de vie en commun. « Nous allons nous revoir » lance Sebastian d’un air assuré. À suivre !

4 commentaires

  1. Et oui il va falloir diminuer la quantité de viande et passer au boulghour carotte ? Ne vous inquiétez pas on a des recettes …
    Si une étoile est située à 32 années lumière, cela implique que la lumière que l’on reçoit a été émise il y a 32 ans, donc en 1986 l’année de la naissance de Rémi. Si c’est pas clair vous aurez droit à un cours à votre retour avec un repas végétarien ?
    Bonne continuation et gros bisous.

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