Bolivie #4 : Condoriri, le trek où l’on n’a pas riri

// 03 – 05 avril 2018 //

Pour nous faire bouger de la… Paz, il nous fallait de l’aventure et de l’air frais. C’est pourquoi après un bon mois sans véritable marche, nous avons décidé de partir pour un trek de trois jours. Au début, nous pensions faire celui d’El Choro, trois jours de descente seulement (pas fous les gars), mais la saison des pluies est passée par là et a endommagé l’itinéraire, emportant quelques ponts au passage. Ce sera donc plutôt celui du Condoriri, parce que le nom nous a fait sourire, et puis cela va aussi permettre de nous tester : actuellement, notre condition physique est aussi précaire que le droit de grève sous Macron, et nous n’avons aucune idée de comment notre corps va réagir à trois jours de marche en montagne, à plus de 5000 mètres d’altitude, record en vue. Au moins, nous saurons si nous sommes aptes à faire ensuite l’ascension du Huayna Potosi, le sommet de 6000 mètres dont nous projetons de fouler les pentes. Avant tout chose, nous finalisons les détails de notre expédition en faisant le tour des agences (mieux vaut être guidés, hébergés et nourris pour une première sortie en montagne bolivienne). Des agences il y en a des dizaines, un peu comme à San Pedro de Atacama. Mentions spéciales pour l’agence « High camp lodge » qui porte bien son nom puisque le gars qui nous a reçu venait visiblement de se faire un trait de cocaïne, et l’agence « Pachamama travel » où un couple qui attend le remboursement de son excursion nous dit littéralement « fuyez, ils sont horribles » ! Au final on choisit de partir avec Inca land pour le trek du massif du Condoriri (fifi, loulou), en trois jours et deux nuits.

Le RDV est prévu le lendemain pour 9h du matin. Nous y sommes, excités à l’idée de refaire fonctionner nos mollets. Le chauffeur du minibus y est aussi, la cuisinière Alicia aussi, et les deux guides Javier et José aussi. Il ne manque donc plus que les quatre autres touristes que l’agence a mentionné la veille lors de la réservation. 9h45, c’est finalement un groupe de SEPT personnes qui débarque, tous venant du même hôtel, tous étant de la même nationalité et tous (ou presque) passant devant nous sans nous calculer pour aller directement dans le minibus. Bonjour l’ambiance ! Du coup les pauvres français que nous sommes se retrouvent séparés à l’intérieur du bus, aux deux pires places, le reste ayant été colonisés (sic) par nos amis… Les trois heures de trajet nous paraissent donc très longues et nous n’avons envie que d’une chose : marcher !

Nous démarrons le chemin à 4500 mètres d’altitude, et Javier le guide nous explique qu’il faut marcher « despacio » c’est-à-dire lentement pour ne pas manquer de souffle, car à ces hauteurs tout est plus dur et plus long. On se rend alors compte que ce groupe de sept est en réalité composé d’un groupe de cinq et d’un autre de deux. Ces derniers se montrent d’ailleurs plus ouverts que leurs compatriotes qui ne prêtent guère attention à nous. Pour résumer il y a donc deux gentils et cinq méchants ! Vers 14h30, après une bonne heure et demie de marche facile nous arrivons au refuge, niché à côté d’un joli lac au pied du Condoriri, appelé comme ça car on y verrait la tête d’un condor avec ses ailes déployées (eh oui, l’abus de feuilles de coca nuit à la vision). Le repas du soir est prévu à l‘heure de « Questions pour un champion » (18h pour ceux qui feraient semblants de ne pas savoir), ça laisse donc le temps de faire connaissance s’emmerder. On décide alors de faire le tour du lac en face de notre refuge, car dans tout ça il faut avouer que le paysage est grandiose : le sommet du Condoriri, est majestueux et la lagune Char Khota dont on fait le tour brille d’un vert émeraude. Nous croisons de nombreux alpagas (ou lamas, on n’a jamais su faire la différence entre les deux), des chevaux, un lézard vert et des viscanas (mélange entre un lapin, une marmotte et un écureuil) alors que le soleil commence déjà à décliner.

Lorsqu’on revient il est presque l’heure du dîner. Et visiblement le groupe des méchants s’est passablement ennuyé car ils nous demandent, en même temps qu’aux guides, s’il est possible de faire toutes les randonnées le lendemain et rentrer dès le soir à La Paz afin de ne pas rester sans rien faire toute l’après-midi. Attends, tu réserves un trek de trois jours et tu veux y rester que deux ? Non mais allô quoi ! Le guide, visiblement agacé, explique qu’aujourd’hui était une journée d’acclimatation, que demain il y aura déjà 6h de marche et 4 autres heures le troisième jour. De plus il n’y a qu’un minibus, ce qui sous-entend de rester tous ensemble. Ainsi il apparaît fort peu probable de pouvoir suivre leur envie. Et puis, qu’on se le dise, en entendant cela on a encore moins envie d’aller dans leur sens et en un regard on décide de ne pas être d’accord avec eux (#fallaitpasnousenerver). Au moment d’aller se coucher, Javier le guide nous indique que nous ne dormirons pas avec le reste du groupe et nous montre notre « chambre » dans un autre bâtiment à côté en nous disant qu’on sera tranquille à l’écart des autres. Pour le coup ça nous va bien. La France cool d’un côté, le pays des méchants de l’autre… Bon, la pièce est très froide, on s’empresse de glisser dans nos duvets, redoutant une nuit glaciale, sur nos sacs de jute à même le sol remplis de paille (si, si, littéralement !). Il est 20h30, nous n’avons pas sommeil mais rien d’autre à faire que de dormir en espérant se réchauffer. Demain nous attend l’ascension du Cerro Austria, à 5350 mètres, c’est le grand test !

Comme prévu, la nuit a été difficile mais Charlotte a fait des rêves de foufou. Quel bonheur de sortir et ressentir l’ambiance unique d’un matin en montagne, de voir ce magnifique paysage autour, baigné par un soleil qui profite de régner en maître avant l’arrivée des nuages. Après un solide petit déjeuner, nous nous mettons en route. Javier ouvre la marche, José la ferme, et nous avançons tous à un rythme défiant celui des escargots. La raison ? Eviter l’hyperventilation due à l’altitude, donc on y va mollo. Rémi demande au guide quand nous passons au-delà des 4800 mètres, juste pour savoir quand nous aurons dépassé l’altitude du Mont Blanc ! Alors, on sait pas vous, mais nous, quand on part randonner, on apprécie le calme de la nature, le piaillement des oiseaux, le souffle du vent, le bruit des pas sur les cailloux, bref, tout ce que l’on n’entend pas en ville. Ce n’est pas le cas de l’un des méchants qui pousse la musique de son smartphone à fond. Après quelques hésitations, à l’occasion d’une pause, Charlotte se lance dans un exercice de communication non-violente (merci Elsa !) en anglais : « quand je suis dans la nature j’aime bien apprécier certains sons dont je ne profite pas en ville, ce qui m’est difficile avec de la musique, serait-il possible de baisser le son ? ». On vous laisse deviner la tête du type, qui répond dans sa langue, avant qu’une de ses potes vole à son secours en répondant en anglais « il a besoin de la musique pour l’aider à marcher ». « Ok, j’ai un casque dans mon sac je peux lui prêter » répond Charlotte (oui car au jeu du plus con c’est pas la plus mauvaise !). L’échange se termine rapidement, une autre amie dudit type proposant qu’il reste en fin de groupe pour ne pas nous gêner. Une autre nous regarde et nous rassure « ne vous inquiétez pas il ne vous a pas insultés ». Bonne ambiance, bis.

Nous continuons tous plus ou moins péniblement la marche. Evidemment, chez les méchants, ça se plaint, ça souffle, ça réclame des pauses de plus en plus fréquentes. Heureusement le guide nous permet de continuer sans eux jusqu’au col, car pour l’instant, nous avons la forme et ne sommes pas dérangés par l’altitude. Nous attendons au col une bonne dizaine de minutes. France : 1. Pays des méchants : 0. Lorsqu’ils arrivent, d’eux d’entre eux, dont notre auditeur de musique, ne semblent pus en pouvoir et annoncent qu’ils ne graviront pas le sommet. YES, merci Pachamama ! Nous parviendrons à la cime près d’une heure plus tard, fatigués mais heureux devant le paysage qui s’offre à nous. Le Pico Austria domine la vallée, ça vaut vraiment le coup ! 5350 mètres, nous ne sommes jamais montés aussi haut (#peuchèrelemontblanc) ! Emotion pour Rémi qui pulvérise son record dans les Alpes, le Mont Viso et ses 3840 mètres ! On remercie Javier le guide qui nous détaille ensuite la vue fantastique qui se déroule sous nos yeux : on y voit jusqu’au lac Titicaca. Puis vient la session photos « parce que c’est important pour la famille » glisse Javier. On se dit qu’on est fier d’avoir réussi sans difficulté l’ascension, même si maintenant il faut redescendre ! On retrouve plus bas les deux méchants qui n’ont pas fait le sommet.  « Vous vous sentez mieux ? » demande Charlotte. « Ah oui, on n’est pas venu car on n’avait pas envie » répond le méchant. En fait ils n’ont envie de rien, car après le pique-nique, ils rentrent direct au refuge, n’ayant « pas envie » non plus de nous suivre jusqu’au glacier que propose de faire le guide. Arrivés au pied du glacier, nous découvrons un immense mur de glace. Nos guides veulent absolument que nous grimpions à l’intérieur. Or il n’y a pas de prise. Ni une ni deux ils se mettent en mode Do It Yourself, prennent deux énormes pierres et commencent à taillader la glace pour y faire des entailles suffisantes pour nos pieds. C’est un peu périlleux mais ça passe ! Non sans mal, surtout pour Charlotte qui n’a pas de gants :

« On perd ses doigts au bout de combien de temps ?

  • Oh t’inquiète ça met quelques jours quand même !

Après ce moment « cliffhanger » il nous faut encore marcher un petit moment, au milieu des alpagas qui n’échappent pas à la mitraillette photographique, avant de retrouver le refuge pour le rituel maté de coca-repas-dodo. Le tout entre 18h et 20h ! Puis nous nous éclipsons vers notre chambre 5 étoiles. Un mal de tête a commencé à s’attaquer à Charlotte (peut-être à cause des méchants ?). Doliprane + maté de coca supplémentaire + premier mâchouillage de feuilles de coca pour tenter de l’enrayer. D’ailleurs voici la vidéo :

Or ce sera une nuit de l’horreur pour Charlotte, avec une belle migraine qui ne se calmera qu’en fin de nuit. Le réveil est difficile. Elle l’indique aux guides :

« Alors, bien dormi ?

  • Bof pas trop, j’ai un gros mal de tête, au niveau des cervicales
  • Mais devant tu n’as pas mal ?
  • Heu non, devant je ne sens rien c’est vraiment derrière
  • Bon beh ça va alors ce n’est pas le mal des montagnes !
  • Ah, super…

Le lendemain matin, une partie des méchants ne veut plus de montée et décide de descendre direct au mini-bus quitte à attendre un long moment sur place. Rémi se demande encore pourquoi ils sont venus et peine à penser qu’ils aient compris le concept de marcher en montagne. C’est donc un groupe restreint à cinq (les plus valeureux !) qui part à l’assaut d’un nouveau col situé à 5100 mètres. Petite récompense, on a une vue superbe au col avec le Huyana Potosi sans nuage et c’est reparti pour une bonne séance photo ! Au total nous aurons mis près de cinq heures pour arriver à la laguna Tuni où nous attend le reste du groupe ainsi que notre chauffeur pour rentrer à La Paz. La route, ou plutôt la piste, de retour est un calvaire pour Charlotte. Comme elle le dit « j’aimerais être une crevette pour qu’on m’arrache la tête » ! La situation est sérieuse donc ! Dès notre arrivée en ville c’est direction la clinique.  Le verdict tombe après deux heures dans la salle d’attente : contracture musculaire au niveau des cervicales. Allez hop, une injection dans la fesse et ça repart ! Pour nous réconforter de toutes ces aventures on craque le porte-monnaie et allons manger une… raclette dans un resto suisse tout proche ! Charlotte retrouve le sourire qu’elle peut partager avec Rémi, tout heureux d’avoir retrouvé l’espace de trois jours l’ambiance de ses montagnes adorées. Et puis, y’a pas à dire, c’est bon le vrai fromage, mais on attendra encore avant de le regoûter chez nous, on a encore plein de choses à voir ! 

11 commentaires

  1. Bien vu de pas donner le nom du pays des Méchants, ça évite les raccourcis et les caricatures !!
    Superbe Treck. Beau record battu Remi !!
    Bisous de 232m d’altitude !

      1. C’est moi qui ai copié sur Nico par rapport à l’altitude et comme on était à Montclar je connaissais l’altitude !
        Papigé

  2. Superbe article, long mais intéressant. Des cons malheureusement il y en a partout !! Vous avez la chance d’avoir votre photo souvenir du sommet … Rapelles toi Rémi qu’au Viso le guide avait raté la photo 😥😥 On est à Montclar mais on n’ira pas à Dormillouse, c’est tout blanc ☃️ En août vous allez devoir m’amener sur un beau sommet : Pelat, Estrop, … il y a le choix même si c’est à peine 3000 !!
    Bisous de 1198m (encore 4000 m ! )

  3. quel bonheur de vous lire …..on arrive meme à s’imaginer dans ce bus !!!! et j’ai d’ailleurs une question essentielle : avez vous pu etre à coté dans le bus au retour !!!! on sue , on mache de la coca , on savoure l’arrivée au sommet …..et on ouvre les yeux pour se retrouver devant un ordi aux cardalines . merci merci ça fait du bien de s’aerer avec vous . plein de bisous de nous deux . fred et ginou

    1. Déjà merci beaucoup pour ce joli commentaire, ça fait plaisir ! Et pour vous répondre, oui on a pu se mettre à côté au retour dans le bus, grâce à une stratégie élaborée au long cours et parfaitement exécutée au moment clé ! Gros bisous aux Cardalines !

  4. Coucou!!!!
    C’est vrai que là, niveau montagne vous êtes servis… Ça a l’air très beau, j’ai aussi eu du mal à distinguer un condor aux ailes déployées…
    Je ne vous remercie pas pour la vidéo « Comment mâcher de la coca » (même si ça fait plaisir de vous voiiiiir! Pareil pour la vidéo du caillou) mais merci pour l’article écrit de façon bien sympathique.
    Et vive la communication non violente (pis j’aurais dit tout pareil que Charlotte pour le casque… c’est fou ce que c’est con un con! )

    1. Et salut toi, ça fait plaisir de te lire ! Pour distinguer le condor il faut savoir mâcher (beaucoup) de coca ! Quant aux cons, tu sais comment on les reconnaît… !

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