Argentine #7 : comment on s’est retrouvés au bout du monde (ou pas)

// 12 – 16 février 2018 //

« Si je vais au bout du monde, je m’arrête à Callelongue ». Nous allons enfin pouvoir vérifier si le bout du monde s’arrête bien à Callelongue comme dans la chanson de Massilia Sound System, ou si Ushuaïa mérite vraiment son surnom de « ciudad del fin del mundo ». Ushuaïa, ses pingouins, ses récits de naufrages, son émission de Nicolas Hulot, son gel douche. Alors, oui et non. Notamment pour le gel douche, car bien évidemment, on nous prend pour des quiches avec les publicités montrant des palmiers et un soleil éclatant puisqu’à Ushuaïa en plein été il fait 15 degrés et il pleut quasiment tous les jours !

Mais avant de vous parler de la ville laissez-nous vous raconter comment on a décidé d’y aller. Flash-back, nous sommes dans un resto d’El Calafate, la bière locale se laisse bien boire, cela fait plusieurs jours que Charlotte répète en boucle évoque l’envie de descendre jusqu’à Ushuaïa, quand vient le moment du dessert, un savoureux flan au dulce de leche¹. Ce flan est tellement bon qu’en quelques secondes il n’en reste plus rien dans l’assiette de Charlotte, ce qui lui fait dire :

« Viens je demande à la serveuse : mais où est le flan ? 
– Même pas cap de le faire
– Ca dépend, je gagne quoi ?
– Si tu le fais et qu’elle rigole on va à Ushuaïa ! »
C’est à ce moment que vous lisez donc notre article sur cette ville !

Pour y arriver il faut sortir d’Argentine, entrer au Chili, ressortir du Chili, re-rentrer en Argentine, en traversant le détroit de Magellan et en s’enfilant une bonne douzaine d’heures de… bus, oui vous l’aviez ! Cette situation géographique ubuesque est due aux frontières entre Argentine et Chili au niveau de la Terre de Feu², semble-t-il tracées à la règle (#commeenAfrique). Voilà pour l’entrée en matière géopolitique !

Dès le premier soir, nous tombons sur un resto qui affiche sur sa devanture un drapeau de l’Argentine et… une plaque pastis 51 ! Et lorsque nous demandons au serveur pourquoi ils servent du pastis, sa réponse est lapidaire : parce qu’il y a beaucoup de touristes français ici ! C’est vrai qu’il suffit de se promener quelques instants dans les rues pour entendre très vite l’accent français et repérer les sacs ou vestes quechua…

Sinon, pour nos trois jours ici nous parvenons enfin à trouver un hébergement via Couchsurfing et squatterons chez Leandro que nous retrouverons chaque soir après son boulot et après nos balades. C’est avec lui que nous découvrons le Fernet Coca, une boisson fort appréciée de la jeunesse argentine, constituée donc, sans surprise, de Fernet³ et de…Coca, oui bravo vous l’aviez aussi !

Autant le dire d’emblée, Ushuaïa sur les blogs de voyage c’est tantôt génial tantôt à éviter. De notre côté on est bien embêtés pour conseiller ou déconseiller de venir par ici. Car Ushuaïa c’est avant tout un énorme coup marketing de « ville la plus australe du monde », avec la « poste la plus australe du monde », le « bar le plus austral du monde » où l’on sert la « bière la plus australe du monde », etc. Et le truc eh bien c’est que c’est faux ! Ushuaïa est peut-être la ville avec plus de 10 000 habitants la plus australe du monde, mais en réalité l’endroit encore habité le plus au Sud (en éliminant l’Antarctique) c’est Puerto Williams au Chili, mais visiblement il y avait moins de publicitaires dans les équipes municipales. Certes la ville et les environs ne se résument pas à cela et ce qu’il y a d’intéressant à Ushuaïa c’est de comprendre son histoire, que nous ne connaissions pas avant d’y venir. Comme quoi le marketing fonctionne donc bien !

L’histoire d’Ushuaïa n’est pas la plus glamour puisqu’à la base le lieu est une prison. Une prison sans mur d’enceintes car selon les gardiens de l’époque « où voudriez-vous que les fugitifs aillent ? ». Et en effet ceux qui essayaient de s’échapper revenaient souvent quelques jours plus tard transis de froid et de faim vu qu’autour il n’y avait rien que les territoires inhospitaliers de la Terre de Feu. Peu à peu la vie s’est développée autour de la prison pour devenir en à peine un siècle une ville de 60 000 habitants, dont seuls 10% sont nés ici. Les autres viennent pour le climat qui est relativement stable toute l’année en s’accordant sur une chose, c’est qu’ici les quatre saisons ont lieu chaque jour (#Bretagne, #trucdeboutdumonde ?). Et puis à Ushuaïa les salaires sont plus élevés que dans le reste du pays, même si cette donnée est à modérer par rapport au coût de la vie, lui aussi beaucoup plus élevé qu’ailleurs. Ah oui, si vous voulez aller en Patagonie l’été, en passant par la Terre de Feu, mieux vaut avoir mis pas mal d’argent de côté, ou de ne manger que des pâtes et tenter de resquiller le buffet du ptit dej pour l’emporter à midi…

Du coup qu’avons-nous fait à Ushuaïa ? Le premier jour on a baladé sur le port en admirant les tons colorés des maisons et leurs reflets sur l’eau. Ensuite, nous nous sommes lancés dans une longue montée de 3h, d’abord dans la ville, puis dans la forêt et enfin sur les flancs de la montagne où se tient un mirador paraît-il superbe sur la baie d’Ushuaïa. Sauf qu’il faisait gris en à pleurer (d’ailleurs il s’est mis à pleuvoir bien comme il faut) et que la vue n’avait rien d’extraordinaire. En redescendant, une fois revenus sur le bord de la route, nous tentons de faire du stop. Pas moins de deux minutes plus tard, une voiture s’arrête. Le gars a dû avoir de la peine pour nous, trempés avec nos sacs ! 

Le deuxième jour nous avons eu envie de prendre la mer et avons embarqué pour une sortie sur le canal de Beagle. Pour la première fois, nous nous sentons un peu plus proche du bout du monde devant le phare des éclaireurs avec à ses côtés lions de mer et cormorans ou encore lorsque nous posons pied sur l’île Bridge à la végétation malmenée par les vents.

Le troisième jour, nous arrivons à être pris en stop pour aller au Parc National de Terre de Feu, par Ramiro, un jeune papa militaire très sympa. Mais comme le temps est toujours aussi gris, le sentier le long de la côte n’est pas des plus attrayants. « Ça ressemble aux Calanques mais en gris ». Pour le retour nous réussissons une nouvelle fois à être pris en stop, par un jeune couple pas très bavard, sauf quand Rémi a la bonne idée de lancer le gars sur le sujet « sauvetage conversation en Argentine » : le foot bien sûr !

Le dernier soir nous jouons à un dîner presque parfait avec Leandro : Rémi se lance sur un gratin de courges et Charlotte sur des crêpes revisitées en mode empanadas. Notre hôte apprécie et nous, on est fiers d’avoir réussi notre coup ! Nous finissons la soirée avec du Fernet Coca, évidemment. Il est minuit, nous nous levons dans quatre heures, comme Leandro, nous pour prendre le bus direction le Chili, lui pour aller bosser…

Sur la route, Rémi a beau chantonner dans sa tête « à l’autre bout du bout du monde » de la Rue Ketanou, il nous a été difficile de vraiment se sentir dépaysés dans cette ville touristique qui pourrait très bien ressembler à une ville côtière d’Islande ou de Norvège. Cependant on en a profité pour se reposer et adopter un rythme de voyage plus lent. Et si c’était ça au final la meilleure chose à faire au bout du monde : prendre son temps pour mieux l’apprécier ?

¹ Dulce de leche : traduction argentine pour la confiture de lait, gourmandise très prisée dans tout le pays
² La Terre de Feu fut appelée ainsi par Magellan en raison des feux allumés par les Indiens sur les rives et qui se voyaient depuis l’océan
³ Le Fernet est un alcool à 40° d’origine italienne élaboré à base de plantes 

4 commentaires

  1. Dommage pour le temps … ici aussi il pleut ! On vient de rentrer de 3 jours d’escapade à Gargas où on a nos habitudes depuis 2001 et on est revenu plus tôt à cause de la pluie.
    Donc le bout du monde c’est surfait ? Maintenant on attend la suite de vos aventures au Chili.
    Continuez à bien profiter mais aussi à vous donner des plages de repos !
    Comme vous le dites : « prendre son temps pour mieux l’apprécier ». Vous avez bien raison !
    Bises à vous deux

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