// 17 – 20 février 2018 //
Ce n’est pas que l’Argentine commençait à nous ennuyer, mais nous avions l’envie de passer dans un autre pays, un peu comme lorsque tu arrives à la fin d’une page d’un roman et que tu as hâte de la tourner pour lire la suite. Notre suite, c’est donc le Chili. D’abord par une étape à Punta Arenas avant de prendre l’avion pour Santiago, car oui, nous avons eu une petite saturation des bus à longue distance #tantpispourlempreintecarbone
On débarque dans la capitale chilienne en retrouvant un climat d’été égaré dans la grisaille patagonienne. Nous nous sommes tout de suite bien sentis dans l’atmosphère de la ville, bien plus qu’à Buenos Aires. Les raisons ? Beh en fait on ne sait pas trop, ça tient sans doute à de l’inconscient, aux sourires des gens dans les rues, à une plus grande diversité aussi. Et puis Santiago ça commence bien : nous avons réservé une chambre via Airbnb et au moment où nous arrivons dans la rue où est censé se trouver l’appartement, Charlotte n’a plus de batterie sur son téléphone où figure le numéro exact de la maison. On a l’impression de se rappeler que c’est au 385 de la rue Joffre, nous entrons donc dans le hall de l’immeuble gardé par un gars que l’on réveille sans doute de sa sieste et avec qui s’ensuit une conversation surréaliste (que nous vous traduisons en français, imaginez la même scène en espagnais, mélange d’espagnol et de français) :
« Bonjour, nous cherchons l’appartement d’Henry s’il vous plaît c’est à quel étage ?
– Henry qui ?
– Heu, beh on n’a que son prénom en fait, c’est…Henry, on ne connait pas son nom de famille
– Mais c’est pour quoi faire ?
– En fait il nous loue une chambre dans son appartement
– Et vous n’avez pas son nom ?
– Non…
– Tenez la liste de toutes les personnes vivant dans l’immeuble »
C’est ainsi que nous avons épluché une centaine de noms sans jamais voir Henry écrit nulle part. Un autre gardien arrive alors et nous dit que nous nous trompons sûrement, qu’il faut aller en face car c’est là que se trouve un hôtel. Nous le remercions poliment et retournons dans la rue à la recherche d’une connexion wifi afin de pouvoir vérifier via le portable de Rémi quelle est l’adresse exacte. Bien entendu nous n’en trouvons pas car chaque personne à qui nous demandons nous indique une direction différente et nous sommes déjà un peu éloignés de la rue Joffre. Rémi commence à s’impatienter, Charlotte prend alors la carte de « les gardiens d’immeuble s’ennuient souvent, viens on entre dans celui-ci et on leur demande d’appeler Henry » (oui car on n’est pas hyper organisés mais on a quand même sauvé le numéro de téléphone de notre hôte !). Deuxième conversation surréaliste :
« Bonjour, nous avons loué une chambre chez quelqu’un dont on ne connait pas le nom de famille ni l’adresse exacte, mais on a son numéro, on pourrait appeler de votre standard ?
– Haha en effet c’est pas pratique tout ça, mais oui allez-y appelez ! »
Bingo ! Henry décroche, nous indique qu’il habite au 384 et non pas 385 (tout se joue toujours à un numéro près, #loto). On arrive enfin, à temps pour poser nos sacs, papoter, manger et se coucher !
Santiago, 8 millions d’habitants, par où commencer ? Par une feria de quartier tiens ! Une feria c’est un mélange de vide-grenier, de marché de vêtements et de fruits et légumes. On en profite, au milieu des locaux (qui nous disent : « mais comment vous connaissez cet endroit ?! »), pour faire une razzia sur les framboises, mûres, pêches, avocats, maïs et un fruit inconnu de nos papilles, le tuna (oui nos corps réclament du vert, du frais !).
Nous prenons ensuite conscience de l’immensité de Santiago en montant au Cerro Santa Lucia, petite colline en plein centre accessible à pied. L’architecture est terne, mais l’ensemble donne un rendu impressionnant. La visite du remarquable musée des arts précolombiens, fort intéressant et disposant de superbes pièces, nous captivera durant plus de deux heures. On en apprend un peu plus sur les peuples qui ont constitué l’ADN du pays, et notamment les Mapuche qui luttent encore aujourd’hui pour préserver leurs terres que l’Etat vend continuellement à des entreprises privées. Leurs militants sont d’ailleurs régulièrement emprisonnés, voire assassinés. Une situation qui fait écho (on ne dit pas que c’est la même) à celle de la Palestine, dont une grande communauté est réfugiée au Chili, qui compte d’ailleurs la seule équipe de football palestinienne au monde.
On avoue aussi qu’on a kiffé la partie interactive du musée avec les jeux normalement réservés aux enfants, surtout le test pour savoir de quel peuple du Chili on aurait pu faire partie. Résultat Rémi aurait été un Mapuche, sédentaire, vivant en harmonie avec la nature dans la montagne ; quant à Charlotte elle aurait été une Chango, peuple de pêcheurs nomades vivant plutôt sur la côte Nord.
Le lendemain passage par l’ancienne gare centrale de Santiago réhabilitée en centre culturel, fermé 2 semaines dans l’année (vous devinez lesquelles… !) et le marché central où les restaurateurs se servent directement des étals des poissonniers pour garnir les assiettes. Dans l’après-midi nous nous rendons au Parque por la Paz, situé en dehors de la ville. Anciennement Villa Grimaldi le lieu est désormais un mémorial en hommage aux victimes de la dictature de Pinochet et plus spécifiquement celles qui furent enfermées, torturées (et quelquefois assassinées) entre 1973 et 1978. Un excellent audioguide retrace l’histoire passée, grâce aux témoignages des survivants et la réhabilitation présente. Les cicatrices des années de cette féroce dictature ayant chassé Salvador Allende du pouvoir ne sont pas totalement refermées et la vision des Chiliens à son encontre est contrastée. De nombreuses familles n’ont toujours pas la preuve de la mort de leurs disparus, la justice n’a condamné que très partiellement les bourreaux (tonton Augusto lui-même n’a quasiment jamais eu à s’inquiéter), les écoles évoquent simplement « un état militaire », certains préfèrent retenir une embellie économique, et enfin, la Constitution est restée inchangée depuis. Sur le chemin du retour s’ensuit une discussion sur la portée d’un mémorial, Rémi évoquant justement la Syrie aujourd’hui tandis que Charlotte s’attriste du moment où l’on construira donc celui d’Alep, en écrivant la sempiternelle phrase « pour que l’humanité n’oublie pas et que l’histoire ne se répète pas »…
Nous reprenons le bus pour retourner vers le centre et emprunter le funiculaire menant au Cerro San Cristobal d’où nous pouvons jouir d’une autre vue sur la mégapole (mais il y a encore mieux, nous le verrons plus tard !). Puis détour par le quartier de Bellavista, c’est là que l’on retrouve Fred, un ami d’enfance de Rémi qui vit ici à Santiago, le temps d’une soirée à évoquer les souvenirs et les vies de chacun, autour de pisco sour qui nous mettent bien !
Du coup le lendemain on le prend plus cool, direction le Barrio Brazil et ses graffitis. En s’arrêtant dans un petit resto du coin, nous faisons la connaissance de Carlos, un Chilien qui a vécu 17 ans en Belgique et avec qui nous discutons avec plaisir dans un excellent français. On ne saurait donc vous conseiller son resto, le Bar Devic, où l’on mange bien pour pas cher et où on est accueilli par quelqu’un d’adorable #coupdecoeur
Après une sieste dans un grand parc, on se motive pour se refaire une petite expédition, cette fois-ci au temple Bahà’í. Autant vous dire que ce lieu est totalement improbable et magnifique ! Et dire qu’on est venu jusqu’ici grâce aux conseils de l’ancienne conseillère Pôle Emploi de Charlotte qui est de religion bahá’íe et qui lui avait indiqué la présence de ce temple à Santiago, dont l’architecture, imposante structure futuriste à la forme d’un gros œuf posé au milieu de nulle part, est tout aussi originale que la religion elle-même.
D’ailleurs késako la religion bahá’íe ? Grosso modo au XIX siècle un jeune noble iranien, plus intéressé dans la charité envers les pauvres que dans les dorures de son palais, crée la religion qui prendra son surnom. Si elle emprunte les mêmes symboles que les autres grandes religions monothéistes, en reconnaissant les messies des uns et des autres, elle ne se présente pas comme une nouvelle religion mais voit l’ensemble de celles-ci comme une histoire dont elle serait la dernière page. Ainsi justice sociale, égalité homme-femme et spiritualité en sont les maîtres mots. La médiation, plus que la prière, est encouragée. Il y aurait environ 7 millions de fidèles à la religion Bahà’i pour 8 temples dans le monde. On ne va pas se mentir, la plupart des gens viennent ici surtout pour admirer la vue sur la ville, la plus belle que nous ait été donnée de voir. On en prend plein les mirettes, heureux d’avoir découvert ce lieu insolite peu fréquenté des touristes étrangers #bonplan.
Nous rentrons chez Henry, dont nous ne connaissons toujours pas le nom de famille, comblés de notre séjour à Santiago. Ça promet pour Valparaiso, notre prochaine étape…
superbes photos et texte au poil comme d’hab!
gros bisous les petits
profitez bien
Merci pour tous ces compliments ! Bientôt dans ta boîte mail l’interview de Renée la punaise !
Géniales les photos!! Rémi ta barbe est de plus en plus longue . Vous avez l’air de bien profiter . Ici on se gèle on grelotte … mais c’est bientôt le printemps il paraît! Continuez ainsi on se régale de vous lire . Bisous
Rémi garde sa barbe en prévision des prochaines étapes en altitude ! Et puis tant que ça ne barbe pas trop Charlotte…!