Ça fait un petit moment déjà que j’ai envie de tester un témazcal, en fait depuis que Caro, mon ancienne coloc à Marseille, m’en a parlé après son retour de voyage en Amérique du Sud. Si on commence à regarder sur le net ce qu’est un témazcal on a le choix entre deux options, soit penser qu’il s’agit d’un délire de hippies qui veulent s’ouvrir les chakras, soit… beh non voilà en fait c’est tout car on trouve surtout des témoignages de personnes qui décrivent cette cérémonie comme étant un rituel de purification où l‘on retournerait dans le ventre de sa mère, le tout dans une sorte de tente sauna, au son des chants et percussions et d’où l‘on ressort hébété en remerciant la Pachamamma. Au moins avec cette description ça élimine un sacré paquet de candidats (Rémi le premier !). Cependant les mots de Caro étaient différents, plus nuancés mais néanmoins enthousiastes, c’est d’ailleurs elle qui m’envoie le lien d’un groupe sur Facebook qui organisent des témazcal dans tout le Chili et notamment ce samedi à Valparaiso ! Me voilà donc partie toute seule en direction d’un champs au nord de la ville, pas super pratique niveau orientation. Je prends un bus puis marche le long d’une route avant de m’enfoncer sur un petit chemin de terre à la recherche d’un écriteau que je ne trouve pas. Je demande alors mes indications à un couple qui passe et qui me montre un autre chemin, plus étroit encore, qui s’enfonce dans la végétation. A ce moment je me dis bien évidemment « mais qu’est-ce que je fous là ? je pouvais pas rester tranquille à l’hôtel à faire une grasse mat’ ? ». Mais non, la curiosité est trop forte et je finis par voir une sorte de parking de terre battue et entendre des voix qui s’élèvent, c’est bon j’ai trouvé le lieu. Devant moi une bonne trentaine de personnes discutent et se préparent pour la cérémonie. L’envie d’aller au milieu pour me présenter étant aussi forte que celle de m’arracher les globes oculaires à mains nues je choisis l’option de me présenter à mes voisines. Bingo, c’est leur premier témazcal à elles aussi ! Elles sont venues avec une amie qui leur en a parlé et nous avons donc quelques inquiétudes en commun sur le déroulé de la chose. Oui car j’en arrive à ce que j’ai concrètement sous les yeux : une sorte de petite yourte noire assez basse devant laquelle crépitent des pierres dans un feu qui seront ensuite ramenées à l’intérieur pour chauffer la structure (remember on est dans le ventre de nos mères hein) et dans laquelle une bonne vingtaine de personnes s’apprêtent à s’engouffrer. Dédicace à tous les claustrophobes et agoraphobes qui nous lisent ! A ce niveau dans ma tête il n’y a que deux choses, une question d’ordre technique « comment sortir de ce truc si j’arrive pas à respirer ?», et une voix qui gueule « S’IL VOUS PLAIT FAITES QUE JE SURVIVE » ! Mes nouvelles copines m’expliquent qu’une fois à l’intérieur, la porte de la yourte est fermée, qu’il y aura trois ouvertures pour sortir si jamais on le souhaite et que la technique pour supporter la chaleur, à mesure que celle-ci augmente, est de coller ses membres voire tout son visage au sol car c’est l’endroit qui reste frais. Waouh, ça donne envie ! C’est donc bardée de ces conseils que je me mets en maillot de bain et entre dans la yourte, après qu’une femme m’ait passé un encens autour du corps, qu’un homme m’ait donné des feuilles de tabac à serrer fort dans ma main en faisant un vœu avant de les jeter dans le feu, et enfin qu’un autre homme m’ait demandé de toucher le sol avec mon front en prononçant une phrase d’entrée dans la yourte. Je m’installe confortablement totalement paniquée dans la yourte en complète tachycardie comme après un triple marathon à 6000 mètres d’altitude. Allez viens, on est bien bien bien. Je me répète que le sol est mon ami en cas de canicule et surtout la phrase magique « por favor, puedo sortir, me siento mal ». Au final nous sommes environ 25 assis en cercle en deux lignes autour du feu lorsque la dernière personne entre et qu’une autre referme la bâche. Je fais mes calculs : vu que je suis située à 4 personnes de la porte, soit environ 2 mètres de distance, en moins de 10 secondes je peux me jeter à l’extérieur, ooooooook ! Le meneur de la cérémonie en explique le déroulé : il va y avoir 4 phases pendant lesquelles la chaleur se fera de plus en plus forte, si jamais on se sent mal on demande à sortir, préférablement à la fin d’une phase lorsque la bâche est relevée, et la musique et les voix vont rythmer le tout. Le gars parle de sérénité. De séréni quoi ? Si mes yeux s’habituent rapidement à la pénombre il en va différemment de mon appréhension car j’ai toujours le cœur à mille à l’heure en imaginant toute sorte de malaises. Putain à ce moment précis je crois que je préfèrerais être à un meeting du Front National (c’est dire). Et pourtant, aux premières mesures des instruments et des voix je me sens mieux. Non, BLAGUE, en vrai je me pose mille questions, me demande si je vais entrer en transe et perdre mes moyens, ou si au contraire la musique va me taper sur le système, bref c’est loin d’être l’happy hour ! Finalement, je me concentre sur ma respiration et là ça marche, je me calme. La première phase de musique, chants, prise de paroles des un-e-s et des autres est dédiée aux esprits, la deuxième à la famille, la troisième aux amis et la quatrième et dernière à soi-même. Et alors que je pensais que la première ouverture serait celle qui me permettrait de sortir en pensant « c’est bon j’ai vu ce que c’était », dès la deuxième je me sens tellement bien que je me languis que la porte se referme pour éviter de sentir l’air frais sur ma peau et qu’on continue tous ensemble à vivre cette expérience. Pas mal d’émotions remontent mais c’est agréable, en fait on se sent bien bien bien, détendus du slip. Lorsque la fin retentit je sors en prononçant à nouveau une phrase spécifique et on me redonne d’autres miettes de tabac pour un nouveau vœu. D’ailleurs la sortie marque une forme de renaissance. A ce moment je ne pense pas être renée (ni Renée), en revanche ma curiosité m’a emmenée découvrir une nouvelle pratique. Que j’encourage à vivre également !Et après ce temps de sudation, oui car vous l’auriez deviné le mot témazcal provient de deux mots (ou trois selon les sources) Nahuatl signifiant « maison de chaleur », place au plongeon dans la lagune voisine. Tout ça m’a ouvert l’appétit, je suis prête pour tester la spécialité de Valparaiso : la chorillana !